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Le micro-storytelling, nouveau standard de la communication

Publié le 14 février 2019 par Dangelsteph
Le micro-storytelling, nouveau standard de la communication

Le web, les médias sociaux ont favorisé l'émergence d'un nouveau standard de contenu de communication : le micro-storytelling.

C'est un travail publié par des chercheurs du Politecnico de Milan en Italie qui m'a inspiré cet article. Ils s'appellent Simona Venditti, Francesca Piredda et Walter Mattana. Ce sont des chercheurs en design et les résultats de leur étude ont été publiés dans The Design Journal en 2017. 2017, oui, mais la diffusion de travaux scientifiques peine souvent à sortir des frontières universitaires. Déjà que la publicisation des résultats de recherche dans les milieux spécialisés est très lente...

De nombreuses évolutions narratives à travers les siècles

La structure d'une histoire élaborée par Aristote est bien connue. C'est la plus ancienne forme d'histoire structurée qui soit encore utilisée aujourd'hui à grande échelle. Cette structure, constituée d'un début, d'un milieu et d'une fin, n'est plus tellement adaptée aux réalités d'histoires floues, métamorphes, mais tout de même. Les composants de ces histoires traditionnelles sont restés : personnages, actions, contexte, objets, accessoires. Ils ont aussi fourni l'architecture de nos nombreux contes de fées, puis des histoires d'entreprises, des publicités...

Le web et les médias sociaux ont modifié la donne.

De nouveaux challenges pour la création d'histoires, de storytelling

L'architecture des médias sociaux pose de vrais enjeux narratifs.

    Rien que l'ordre chronologique inversé qui est la norme pour les fils d'actualité remet en cause la formule d'Aristote. Comment rendre les différents composants d'une histoire perceptible sur un fil Facebook ou Twitter dans ces conditions ? On peut le voir comme une contrainte technique, ou comme une opportunité de créer de nouvelles histoires plus riches car non linéaires.
    Les commentaires, likes, partages, retweets et autres outils d'interaction sociale sont un autre challenge de storytelling, également pris en compte les chercheurs italiens. C'est une opportunité d'interaction avec les autres utilisateurs des médias sociaux, oui, mais c'est aussi une opportunité d'interagir avec l'histoire elle-même, d'influencer son cours, son développement, celui de l'intrigue. Dans certaines pratiques de théâtre participatif, il est de coutume que les spectateurs crient des choses aux acteurs qui sont sur scène : les commentaires, likes et autres sont dans la même veine.
    Une autre spécificité des histoires publiées sur les médias sociaux est qu'elles sont multimodales. Une publication est souvent, au minimum, une combinaison de deux techniques - outils - médias de communication (un statut Facebook avec du texte et une image, par exemple). Un compte sur les médias sociaux est lui aussi multimodal : rares sont les utilisateurs qui ne publient que des contenus textes sur Twitter. Des images alterneront avec des tweets de mots.

Un storytelling fragmenté

Le caractère multimodal de ce storytelling en fait une composition fragmentée de micro-contenus eux-mêmes morcelés. C'est un storytelling modulaire. Chacune des petites parties de ce storytelling a sa propre autonomie. Il y a quelque chose de fractal dans ce storytelling là. On peut accéder à chacun des fragments de ce storytelling, le télécharger, le commenter, le partager, le liker en tant qu'élément propre. Bien sûr, chacun des éléments sera connecté aux autres, en tant que partie intégrante d'un contenu narratif plus large, mais cela n'empêchera son existence indépendante, de manière sémantique et syntaxique. Chacun des fragments a donc son propre sens, son message spécifique, il communique quelque chose qui fait sens par et de lui-même. Pour ce qui est de la dimension de la syntaxe, les fragments en tant qu'unités de sens obéissent à un code fixé par la plate-forme de publication et qui est propre à chacun d'entre elles.

L'auditoire doit en faire plus

Cette fragmentation oblige l'auditoire du storytelling sur les médias sociaux à faire un travail intellectuel spécifique, supplémentaire, par rapport à sa consommation d'autres types de contenus. Il lui faudra effectuer les connexions, s'en souvenir ou les identifier, selon le cas. C'est un travail de perception, de reconnaissance et de reconstruction narratif.

Comme les chercheurs italiens sont des spécialistes du design, pour eux tous ces processus sont bien évidemment des activités de design : tant le concepteur des contenus que le consommateur "ré-assembleur" sont des designers. Juste pour la petite histoire : pour ces chercheurs, tout est du design. Choisir des thèmes d'histoires, des genres narratifs, définir les droits (leurs limites, surtout !) des utilisateurs, le champ des options accessibles, créer l'univers iconographique... Tout ça, tout ça...

Le concept de remédiation

De tout ce qui a déjà pu être dit dans ce post, on a donc bien compris que chacun des médias ne fonctionne pas en silo. Un peu comme des poupées russes, on découvre, dans le contenu digital, un média après l'autre, avec des médias encapsulés en tant que forme et contenu les uns dans les autres. Cela s'appelle la remédiation, un concept développé par Jay David Bolter et Richard Grusin (2000). Un média utilisé pour véhiculer une histoire est "remédiaté" dans un média nouveau, dont il devient le contenu. Ce n'est pas propre au storytelling digital. Cela s'est déjà produit dans la lusique, quand le CD a succédé au vinyl, tout en gardant sa forme ronde.

Pour ce qui est du storytelling du web et des médias sociaux, c'est la même chose, avec des récits dont les éléments et la structure ne sont pas altérés, tout comme les éléments et la structure des morceaux de musique ne l'ont pas été par le passage du vinyl au CD.

  • Y'a-t-il un univers narratif ?
  • Quel est l'état de disruption produit par les conflits qui ont cours dans l'univers narratif ?
  • Y'a-t-il un ou plusieurs personnages actifs aptes à produire des changements dans cet univers ? Quelles sont leurs motivations pour le faire ?
  • Des relations de causes à effets entre des actions et des événements ?
  • Quel est le potentiel de l'histoire à former un arc évolutif entre le début et la fin ?

La narrativité est la clé

La narrativité, c'est à dire la façon dont un récit est construit, permet de reconnaître et décrypter une histoire à partir d'un ensemble de fragments dans les médias sociaux.

  • Toutes les conditions d'une narrativité
  • Des fragments multimodaux autonomes
  • Un processus actif de connexion interprétative des fragments entre eux

Oui, parce que médias sociaux + fragments ne rime pas forcément avec histoire. Il en faut un peu plus : la narrativité, donc.

Et pour en savoir davantage sur le storytelling

Les 3 composants clés du micro-storytelling

Tout cela fait certes beaucoup quand on sait que les médias sociaux sont le règne de l'éphémère et leurs publics ne se signalent pas par des habitudes de travail interprétatif acharné... Mais c'est le propre de ces micro-récits que de parvenir à opérer ces fonctionnements opérationnels dans un rythme conforme au mouvement du digital social.


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