Critique de La Dama Boba, de Felix Lope de Vega, vu le 10 février 2019 au Théâtre 13 / Jardin
Avec Sol Espeche, Stephan Godin, Corentin Hot, Rémy Laquittant, Pascal Neyron, Lisa Perrio, Roxanne Roux, Antoine Sarrazin, dans une mise en scène de Justine Heynemann
Je ne pouvais pas manquer La Dama Boba, encensée par la critique, alors qu’elle se jouait à quelques minutes de chez moi seulement ! Heureuse de constater que le spectacle jouait quasiment à guichet fermés, un peu impatiente lorsqu’il ne commençait pas alors que l’heure était déjà passée de 15 minutes, de plus en plus partagée en constatant le nombre de scolaires entrant bruyamment, alors qu’ils étaient en retard, dans la salle. Et puis on oublie ces premiers grognements parce que l’ambiance, parce que le spectacle, parce que la folie…
La Dama Boba, qui signifie littéralement la femme sotte, c’est le surnom de la jeune Finea, soeur cadette de Nise, beaucoup plus lettrée et intéressée par la connaissance ; les deux jeunes femmes sont en âge de se marier et la pièce s’ouvre sur la legs que fait un oncle à Finea de 100 000 ducas. Le père se retrouve donc avec une fille bête mais riche et une fille intelligente mais pauvrement dotée, et il veut conclure pour elles le meilleur arrangement possible. Les prétendants vont se succéder et surtout jongler d’une fille à l’autre au fil de la pièce qui verra Finea tomber amoureuse et, dans le même temps, acquérir une certaine forme de clairvoyance.
C’est mon deuxième Lope de Vega : j’avais découvert l’auteur espagnol déjà au Théâtre 13 jardin quand seul celui-ci existant – ce devait être en 2010. Je garde un souvenir assez vague de l’intrigue mais un ravissement certain sur l’ambiance générale du spectacle. C’est probablement la trace que me laissera également la Dama Boba : j’aurais probablement rapidement oublié cette histoire aux rebondissements infinis, mais de l’atmosphère survoltée, énergique, et euphorisante, pour sûr, je m’en souviendrai ! La Dama Boba est de ces spectacles qui vous redonne du punch alors même que vous entriez fatigué dans la salle, et vous laisse sur une note ultra positive pour le reste de la soirée !
Il faut dire que la mise en scène porte avec brio ce texte finalement assez particulier. La plume de Lope de Vega a quelque chose de poétique et toujours décalé, avec un ton très différent de ce à quoi ont pu nous habituer les comédies françaises. Le rythme est particulièrement enlevé, jamais rompu même par les intermèdes musicaux qui ajoutent une touche espagnole bienvenue (chaleur !) à l’ensemble. Le décor est ingénieux et permet d’accentuer l’effet de folie collective par des entrées et sorties multipliées de toutes parts.
Ce spectacle est mené de main de maître par une troupe de comédiens plus qu’enthousiastes – peut-être parfois trop. A commencer par Corentin Hot, qui incarne un Turin digne de Comedia dell’Arte par son jeu acrobatique, incroyablement rythmé et précis, tant dans le geste que dans la réplique. J’ai été ravie de découvrir Roxanne Roux, qui a trouvé pour sa Dama Boba une moue absolument parfaite et irrésistible et qui jongle physiquement de l’intelligence à l’idiotie avec beaucoup de talent. J’ai également retrouvé avec plaisir Rémy Laquittant, découvert dans Logiquimperturbabledufou et qui joue toujours, pour notre plus grand plaisir, de son imposante carrure et de sa belle chevelure ! Comment ne pas mentionner également Antoine Sarrazin, comédien longiligne au potentiel comique indéniable ; en amant successif de Nise puis de Finea, il est tout simplement divin.
Un spectacle qui saura ravir petits et grands !