La cristallisation du marché
La Cour des comptes s'est donc penchée sur l'activité des pompes funèbres, des chambres mortuaires et des crématoriums, bref les acteurs qui composent cet univers professionnel, s'interrogeant notamment sur leur évolution en un demi-siècle.
Si l'on a vu apparaître de nouveaux protagonistes, notamment dans la digitalisation de l'activité ou l'assurance obsèques, on constate et c'est le premier enseignement de cette analyse, qu'en lieu de la diversification attendue après 1993, le marché s'est au contraire concentré autour de grands groupes, une douzaine de franchises rassemblant quelque 3600 entreprises et dont l' OGF gère 20 % des 600 000 obsèques annuelles. Ces gros opérateurs se partagent du reste la moitié d'un chiffre d'affaires qui est passé de 1,8 à 2,25 milliards d'euros en quinze ans.
Des tarifs en hausse
Or, cette concentration va de pair avec une augmentation significative des tarifs, dont la progression a doublé en comparaison des prix à la consommation. Aujourd'hui il faut débourser 3600 euros pour une crémation, 3350 pour un enterrement, sans compter les frais de traitement et de transport du corps, les taxes et redevances liées aux concessions, la facturation de services complémentaires ...
Il faut bien l'admettre : l'ouverture à la concurrence qui avait initialement pour but de réduire les coûts en désenclavant les pompes funèbres du contrôle des municipalités a entraîné le résultat contraire, et si les opérateurs privés se portent plutôt bien, les familles voient la facture des funérailles s'alourdir considérablement.
Le manque de transparence du secteur funéraire
Les pompes funèbres publiques, qui n'occupent plus que 7 % du marché, demeurent pourtant les plus raisonnables, avec des politiques tarifaires de 20 à 60 % moins élevées, ce qui ne les empêche guère d'être excédentaires.
Par ailleurs, les enquêteurs de la Cour des comptes ont eu beaucoup de mal à mener leurs investigations ; ils ont notamment peiné pour se repérer dans des offres très diverses d'un opérateur à l'autre, avec des prestations qui n'ont rien à voir, des devis souvent incohérents et complexes.
Visiblement, la directive portant sur l'usage de documents types n'est pas respectée, les opérateurs ne les ayant pas communiqués aux communes, contrairement à ce qu'exige la loi. La Cour des comptes suggère en l'état d'imposer deux à trois modèles comme référence.
Le problème de la crémation
Comme expliqué plus haut, le coût des crémations excède celui des inhumations. C'est fort surprenant quand on sait que cette méthode implique moins de moyens, par exemple des cercueils moins ornés puisque destinés à l'incinération. Le problème est en fait qu'on manque cruellement d'infrastructures - par exemple - des zones comme le Cantal ou les Yvelines en sont dépourvues.
En conséquence, les établissements existants sont engorgés, ce qui fait bondir les prix. La Cour des comptes a du reste préconisé d'allonger le délai de 6 jours séparant le décès de la crémation pour alléger les listes d'attente, fluidifier le nombre des opérations ... et faire baisser les prix.
Un contrôle lacunaire
Visiblement, le secteur n'est absolument pas contrôlé par les instances qui devraient s'en charger initialement. A ce titre, le Conseil National des Opérations Funéraires ne peut s'acquitter de sa mission d'observation et de concertation car il souffre depuis longtemps de dysfonctionnements notables : peu, voire pas de réunions, des rapports irréguliers, des représentants non identifiés ...
Les collectivités territoriales ne sont guère plus efficaces..., ne renouvellent pas les habilitations dans les temps, n'évaluent pas les structures existantes. Ici, la Cour des comptes propose de digitaliser le processus pour plus de performances et d'amener les communes à plus d'implication afin de juguler les tarifs.
En conclusion, il semble à la lumière de cette enquête que l'ouverture opérée en 1993 n'ait guère porté ses fruits. Aujourd'hui l'univers des pompes funèbres est trusté par quelques grands groupes qui dictent leurs lois tarifaires aux dépens des particuliers et des familles, dans l'opacité la plus complète et sans que les institutions réagissent.
Renforcer l'appareil législatif, accroître les contrôles, encadrer les documents officiels ... les propositions pour épurer la situation sont nombreuses ; encore faut-il qu'elles soient mises en place le plus vite possible car la situation risque de dériver un peu plus si on ne la reprend pas en main rapidement, avec conviction et fermeté.