L’ « anthologie permanente » de ce jour salue le très beau travail éditorial des éditions Alidades, animées par Emmanuel Malherbet. Originalité et qualité des publications sont régulièrement au rendez-vous. Petit extrait de la présentation des éditions sur leur site : « Comme de nombreux petits ou "micro" éditeurs, nous ne sommes guère en mesure de définir une "ligne éditoriale" : certains textes s'imposent, d'autres nous ennuient. C'est question de musique, d'originalité, d'exigence (ou de ce que nous croyons tel). Comme d'autres nous recevons nombre de manuscrits ; il en ressort que tout le monde écrit, que pas grand monde ne lit ; sans doute est-ce la règle et n'est-elle pas nouvelle. Bornons nous à regretter que la curiosité que nous espérons partager avec de nombreux lecteurs ne se manifeste pas plus souvent chez les auteurs en quête (ou en mal) de publication. »
Deux nouveautés en février 2019, Joachim Sartorius, L'homme craint le temps, le temps craint le poème, Essai sur la poésie traduit de l'allemand, par Joël Vincent et Guido Mazzoni, Grammaire / Grammatica, poèmes traduits de l'italien, par Benoît Gréan
Poezibao propose ce poème extrait du livre de Guido Mazzoni.
PURE MORNING
Le choc des gouttes sur les feuilles,
la huée, la lumière qui éclaire
les géraniums arrachés et encore vifs dans la vapeur
de la glace qui fond,
la terre des vases éparpillée sur le balcon — nous voyions
une énorme banlieue au-delà des grilles
de la terrasse et dans les lumières
des maisons les gens vivre,
mettre dans le noir les pièces éclairées ; et puis plus loin
entre les espaces vides, les fils et le mur
du périphérique, commençait
le réseau des boulevards et la métropole
immense se montrait. Après, si le ciel
s'éclaircissait et que les colonnes
des phares jalonnaient les rues, le bruit de fond
au-dehors des carreaux était plein
des vies que je voyais
se figer dans ces instants, quand la file
des autos s'arrête et que nous nous regardons
exister à travers les vitres, entre les feux,
leur cercle dans le cône de la pluie, dans les siècles
qui maintenant me viennent au-devant
depuis les champs cultivés, depuis les péages
de Milan si le brouillard s'entrouvre. Chaque vie
n'est qu'elle-même : cette lumière
faible sur les maisons, les premiers trains
qui percent le vent et nous surprennent
dans une espèce de torpeur,
le comprimé dans le verre, les adolescents,
dans la vidéo, qui chantent la douleur ;
quand il semble que l'esprit cache
à lui-même le geste de fuir
la matinée pure, les faits nus
dans le bruit de tout le monde le temps qu’on perd
pour être seulement ce que nous sommes maintenant
pour ne devenir que solitude
PURE MORNING
L'urto delle gocce sulle foglie,
la condensa, la luce che rischiara
i gerani strappati e ancora vivi nel vapore
del ghiaccio che si scioglie,
la terra sparsa sul balcone dai vasi - vedevamo
una perifèria enorme oltre le grate
del terrazzo e nelle luci
di casa le persone vivere,
mettere nel buio le stanze illuminate; e poi più in là
tra gli spazi vuoti, i fili e il muro
della circonvallazione, cominciava
la rete dei viali e la metropoli
immenses si mostrava. Dopa, se il cielo
diventava chiaro e le colonne
dei fari segnavano le strade, il rombo
fuori dai vetri era pieno
delle vite che vedevo
rapprendersi in quegli attimi, quando la fila
delle auto si ferma e ci guardiamo
esistere dai finestrini, tra i fanali,
il loro cerchio nel cono della pioggia, dentro i secoli
che ora mi vengono incontro
dai campi coltivati, dai caselli
di Milano se la nebbia si dischiude. Ogni vita
è solo se stessa: questa luce
bassa sulle case, i primi treni
che aprono il venta e ci sorprendono
in una specie di torpore,
la pastiglia nel bicchiere, gli adolescente,
nel video, che cantano il dolore,-
quando sembra che la mente nasconda
a se stessa il gesto di fuggire
la mattinata pura, i fatti nudi,
nel rumore di tutti il tempo che si perde
per essere soli ciò che siamo adesso,
per diventare solo solitudine.
Guido Mazzoni, Grammaire, Grammatica, choix de poèmes (1997-2017) traduits de l'italien par Benoît Gréan. collection ’Bilingues’, Alidades, 2019, 40 p., 5,70 €, pp. 20 et 21.
sur le site de l’éditeur, présentation du livre et de l’auteur :
Guido Mazzoni, né à Florence en 1967, vit à Rome et enseigne à l’université de Sienne. Cofondateur du site Le parole e le cose, il collabore aux journaux La Repubblica et Il Manifesto. Il a publié La scomparsa del respiro dopo la caduta (in Poesia contemporanea. Terzo quaderno italiano, sous la direction de Franco Buffoni, Guerini, 1992), I mondi (Donzelli, 2010) et La pura superficie (Donzelli, 2017, prix Elio Pagliarani 2018, prix Napoli 2018), ainsi que les essais Forma e solitudine (Marcos y Marcos, 2002), Sulla poesia moderna (il Mulino, 2005 / Sur la poésie moderne, Classiques Garnier, 2014), Teoria del romanzo (il Mulino, 2011), I destini generali (Laterza, 2015).