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Mystik. Ne peut être que congolais, l’artiste qui se dote d’un pareil nom de scène. Le mot Mystik a une résonance très particulière au Congo Brazza. Naturellement, il évoque le paranormal, l’insaisissable, celui qui a une longueur d’avance. Au moment où le Bisso na Bisso faisait fureur sur la place parisienne à l’initiative de Passi, il faut rappeler une chose : si une belle brochette d’artistes composait le groupe, je me suis intéressé au cas particulier de Ghislain Loussingui...
Peut-être qu’avant d’aborder le texte de Ghislain Loussingui, il serait bon de revenir sur le Bisso na Bisso, l’entre nous congolais qui je pense, dans l’histoire du hip-hop français et des différentes diasporas africaines est la première démarche regroupant un collectif de rappeurs venant d’un même pays. Bien avant l’Afrotrap, bien avant Stromae, Passi et sa bande introduisaient des sonorités congolaises pour soutenir un rap rigoureux où on retrouvait Ärsenik, Neg Marrons, Mystik, Passi et sa cousine Mpassi… Je pense ne pas me tromper en disant qu’à la publication de l’album de Bisso na Bisso, Mystik (77) était le moins connu de ces rappeurs venus pour la plupart du Val d’Oise. Pourtant, Mystik va marquer de son empreinte cet album.
Quand on m'a proposé la lecture de ce recueil de poésie de Ghislain Loussingui, j’ai donc tout de suite été intéressé. En 1999, je m’étais procuré l’album de Mystik qui avait suivi celui du Bisso na Bisso. Mystik est un punchliner. Un kicker. Bref, il fait mal. Un gars qui peut t’assommer sur un morceau. Il est plus dans la philosophie de Foreman que celle d'Ali. Son texte convoque ce que beaucoup appelle de la poésie urbaine. C’est assez proche du slam. D’ailleurs, je pense que ce sont avant tout des textes appelés à être déclamés. Un peu comme le premier recueil de poésie du slameur Capitaine Alexandre.
Les sujets touchent à la fois à des aspects lumineux et plus sombres de son parcours. En lisant bien son texte, on peut penser qu’il a connu des déboires, la prison, la chute, le redressement et la libération. Peut-être n’est-ce qu’une interprétation un peu lourde du lecteur que je suis. Il est probable aussi qu'il parle des trajectoires des personnes qu'il accompagne dans le cadre de son activité professionnelle, dans les quartiers, les écoles. Il est avant tout question de résilience. La vie est un combat et on perçoit Ghislain Loussingui comme un survivant. Il a raison, il écrit des punchlifes. Subtilité.
J’émettrai quelques réserves au sujet de la typographie proposée dans ce texte. Police inadaptée. Majuscules à chaque mot. A la longue ça finit par nuire à la lecture du texte. L’entre deux avec la langue anglaise peut être difficile à suivre sur la longueur. Mais, je pense que l’objet livre est beau, Ghislain Loussingui ayant choisi d’illustrer cet ouvrage de très belles photos qui mettent en scène ses vers et les thèmes qu’ils abordent. On ressent cet entre deux aussi entre les quartiers populaires d’où résonnent sa voix et le bled, le Congo des origines. Une passerelle parmi tant d’autres qu’il propose.
Ghislain Loussingui, The Story of My Heart, Pinchlifes & PoésiePremière parution en 2018