Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 299

Publié le 10 février 2019 par Antropologia

L’héritage

Au partage, il y a bien longtemps, elle est presque centenaire maintenant, elle a eu ces bois en pente au bord de la route et dominant l’Adour, elle les tient de sa mère qui les tenait déjà de sa mère, « on les a depuis toujours, celle qui les aura plus tard ne devra jamais les vendre ». A côté du bois, les maisons et les champs des aïeux.

Je me souviens du dernier héritage et de ses tractations décevantes, je me souviens de la courageuse plantation de pins parmi ces feuillus dans les endroits éclaircis et des frais que cela avait causé, je sais, quand les arbres ont été grands, la tempête d’ il y a dix ans qui les a tous mis par terre, l’invraisemblable pagaille de troncs, les fourrés devenus repères de sangliers énormes. Je sais les grands chênes coupés en catimini par le voisin, un parent lointain. Découragement.

On oublie ces bois, mais les voilà qui se rappellent à vous :

Du courrier les concernant. Sommation administrative qui dit en substance : « vos bois (comme tous les autres bois en bord de route) doivent être abattus par sécurité, vous avez tel délai, à vous de vous débrouiller…»

Faire venir l’entreprise d’élagage, attention, travail très spécialisé avec lignes téléphoniques et électriques, prévention d’accidents routiers, donc câblage des troncs, contrôle des chutes, coût maximum. Le bois abattu, personne ne veut, ne peut l’exploiter, pas rentable. Il reste là par terre.

La forêt des ancêtres n’a jamais rien rapporté, elle a très peu de valeur, ne trouverait sans doute pas d’acheteur mais elle a beaucoup coûté.

Dans la lignée suivante elle aura une nouvelle propriétaire. Mais à la génération d’après ? Quand finit-on par lâcher les lieux dont on est issu ?

Thérèse Marsan