je suis heureuse de n'avoir pas le temps
de faire le ménage chez nous
nulle part dans mon outlook
n'y a-t-il une plage horaire nommée
passer l'aspirateur
ou faire le lavage
mais ça ne veut pas dire
que je me roule dans la crasse
c'est relativement en ordre au palace
j'aime beaucoup trop laver
ça me vient de loin
mais quand j'entends une chumette dire
qu'elle a passé son dimanche à récurer
deux salles de bain
ou l'autre son samedi à sortir les lits
et aspirer son entrée
je suis abasourdie
je vous l'accorde je ne lave pas beaucoup
les plinthes des boiseries
n'ont pas été époussetées depuis des lunes
et je ne lave pas mon plancher chaque semaine
j'aspire à peine mes tapis
même si nous vivons sur st-denis
qui nous donne notre ration de pollution
et avec le chat brooklyn qui mue à longueur d'année
je pense que c'est bien de manger
un peu de sable
ça renforce le système immunitaire
mais j'ai remarqué que lorsque je me mets à laver
je ne finis plus
je constate à quel point ce n'est jamais assez propre
puis je n'arrête plus de frotter
je deviens hystérique
et en colère
j'ai l'impression que je vis dans un junk house
mieux vaut ne rien voir
en fait je suis une femme de ménage
comme dans le pain de ménage
celui qui est bon et souple et confortable
je tiens maison comme une bourgeoise
je fais à manger
je sors les poubelles le recyclage
je rénove je rafistole
j'emballe des cadeaux
je reçois je fais plaisir
je range les affaires
je me souviens toujours avoir vu
le truc que l'homme-chat cherche en vain
le soir ou le lendemain
mais je ne suis maniaque de rien
j'aime la propreté depuis ma tendre enfance
de laquelle j'ai un souvenir de grand désordre
je ne sais pas si c'est un vrai souvenir
ou simplement le fait que nous ayons tellement bougé
alors que pa' et ma' travaillaient tout le temps
qui me laisse cette impression de chaos
j'ai des souvenirs de passer du temps
dans la salle de bain
à laver la toilette et à astiquer les robinets
j'aimais que cela brille
mais je ne me souviens pas avoir fait la vaisselle
ni même fait à manger
alors que j'étais petite
je ne me souviens de rien en fait
mais grande j'ai commencé à laver
et je voulais que tout soit propre tout le temps
et que tout soit en ordre
encore aujourd'hui
il ne traîne jamais une fourchette
ou une assiette sale dans la maison
la moitié de la vaisselle est faite
quand j'ai fini de cuisiner
et l'autre est terminée
dans la demi-heure suivant le souper
d'ailleurs je ne comprends pas les gens
qui laissent tout traîner dans l'évier
et qui se donnent des rendez-vous
ad hoc out of the blue
pour aller passer une heure à l'évier
faire la vaisselle de la veille
alors qu'ils n'ont rien à faire dans la cuisine
soyons efficaces
c'est mon motto
je lave mon bain quand je prends ma douche
sinon quand est-ce
on ne peut pas laver un bain
quand on est propre et habillé
il me semble qu'en se lavant c'est le meilleur temps
des fois le week-end dans la cuisine
quand le soleil daigne éclairer mon plancher
et que j'y vois les aspérités
je m'accroupis avec un linge
et de l'huile murphy et je ramasse et lave
pendant un gros cinq minutes
si je reçois de la visite
ce qui est devenu une rareté au palace
je mets un effort de plus
pour aspirer et aérer
pour laver les miroirs et les surfaces
mais sans plus
la poussière vient avec le lieu
c'est ici c'est comme ça
et il ne me viendrait jamais à l'esprit
de faire travailler une domestique
j'ai un malaise très colonial
envers ce lien de servilité
j'accepte mal que quelqu'un soit réduit
à nettoyer le vase
où je dépose ma merde
je fais le ménage tout simplement
en cinq dix quinze vingt minutes
jamais plus que le temps que ça me prend
pour écrire ce billet
juste assez pour que si un voleur entre
à n'importe quel moment
il trouve que je vis dans une bien belle maison
je fais le ménage
comme je change les couches de mes enfants
comme j'ai lavé mes couches de coton
comme je lave mes verres
comme je me brosse les dents
comme je lave sèche et plie mon linge
comme je me nettoie le visage
par pure dignité
si je vis assez amplement pour créer le bordel
c'est une hygiène de vie de se ramasser soi-même
le yin et le yang.