Une fois la scoliose est dépistée, aucun élément clinique ou radiographique ne permet d’affirmer qu’elle sera évolutive. Il devient dès lors indispensable d’établir un pronostic d’évolutivité de la scoliose avant d’entreprendre un traitement.
La mise en place d’un corset n’est donc pratiquement jamais proposée lors de la première consultation, sauf dans les cas évolués, ce qui permet de vérifier l’aggravation éventuelle lors d’un prochain bilan clinique et radiographique, 4 à 6 mois plus tard.
Les critères pour établir le pronostic d’une scoliose.
Il a été établi que l’aggravation angulaire était contemporaine de la période de croissance rachidienne. Ainsi, les scolioses les plus évolutives sont celles qui sont dépistées à un âge jeune (tableau I) Entre 10 et 12 ans, 88 % des scolioses ont un risque évolutif, alors que ce risque chute à 56 % entre 12 et 15 ans, et à 29 % après 15 ans.
Cela signifie que moins d’un tiers des scolioses dépistées à l’adolescence vont être évolutives ! Il est donc essentiel de connaître le degré de maturation squelettique et le potentiel de croissance résiduelle lorsque la scoliose est vue pour la première fois.
Tableau I : Évolutivité potentielle des scolioses selon l’âge.
Age Risque évolutif %
10 à 12 ans 88
12 à 15 ans 56
Plus de 15 ans 29
Le début de la puberté correspond à une forte accélération de la croissance rachidienne, dont l’évolution est superposable à la courbe d’aggravation angulaire. La détermination de ce point d’accélération de croissance du dos (point P) est donc essentielle pour anticiper le pronostic et adapter la surveillance et le traitement.
Profil évolutif des scolioses selon Duval-Beaupère. La courbe en pointillés représente la vitesse de croissance du rachis (en cm/an). La courbe en trait plein visualise l’évolution angulaire de la scoliose en fonction de l’âge. L’aggravation liée au début de la puberté se fait parallèlement au pic d’accélération de croissance vertébrale. La surveillance doit être resserrée au passage du point P qui marque le début de l’inflexion de la courbe. A` partir de Risser 4, la courbe s’infléchit en plateau et l’angle se stabilise.– L’apparition des règles est un mauvais critère car beaucoup trop tardif par rapport à la poussée de croissance. Sur le plan clinique, le meilleur repère est certainement la courbe de taille debout et de taille assise, qui permet de repérer l’accélération de croissance au niveau du dos, alors que la croissance des membres inférieurs commence à ralentir.
– L’apparition des premiers caractères sexuels, l’accentuation du volume des seins ou des testicules et le développement des sites pileux traduisent bien le début de la poussée de croissance du rachis.
Radiographiquement, l’âge osseux est utile pour apprécier la maturation squelettique, en particulier par l’apparition du sésamoïde du pouce qui marque le début de la puberté.
L’ossification de l’épiphyse de l’aile iliaque est un repère très utilisé par les « scoliologues » pour déterminer la période d’évolutivité résiduelle. Ainsi, le test de Risser retient trois stades de développement de l’épiphyse iliaque en trois tiers de dehors en dedans, et deux stades de fermeture du cartilage de croissance en deux moitiés de dedans en dehors.
Test de Risser en cinq stades. L’ossification de la crête iliaque débute au niveau de l’épine iliaque antérosupérieure et progresse vers l’arrière. Risser 1 : ossification du premier tiers ; Risser 2 : ossification du deuxième tiers ; Risser 3 : ossification du troisième tiers ; Risser 4 : début de soudure de l’épiphyse à l’os iliaque ; Risser 5 : soudure complète.Dix-huit mois sont habituellement nécessaires pour passer de Risser 1 à Risser 4 chez les filles, la période d’évolutivité maximale de la scoliose se situant à Risser 0 et 1. Lorsque le stade 4 est atteint, la croissance du dos et la phase d’aggravation de la scoliose sont considérées comme terminées, ce qui permet le sevrage des traitements orthopédiques.
Chez le garçon, le test de Risser apparaît moins fiable parce que l’ossification iliaque débute plus précocement par rapport à la croissance restante.
Le potentiel d’aggravation d’une scoliose dépend également de l’importance de l’angulation lors du dépistage. Ainsi, les courbures de plus de 20° sont deux fois plus souvent évolutives que celles de 15°.
Le risque d’aggravation de 10° est estimé à 30 % pour les angles de 20 à 30°, et de 67 % pour les angles de 40 à 50°. Tous ces facteurs peuvent être combinés entre eux ; par exemple, des scolioses de 20 à 29° vues à Risser 0 ou 1 ont un risque d’aggravation estimé à 68 % (tableau II).
Tableau II : Évolutivité potentielle des scolioses selon l’angle et le Risser.
Angle Risser 0-1 (%) Risser 2-4 (%)
<20° 22,2 1,6
20-29° 68 22,9
Le pronostic d’une scoliose dépend également de son siège.
– Les courbures thoraciques (25 %) sont presque toujours dextroconvexes, avec une forte gibbosité et une asymétrie thoracique antérieure. Elles débutent tôt et sont rapidement évolutives. Elles peuvent altérer les performances respiratoires si elles s’accompagnent d’une lordose thoracique.
– Les scolioses thoracolombaires (20 %) sont volontiers déséquilibrantes, en particulier dans leur forme T11-L3 qui peut être rapidement évolutive.
– Les scolioses lombaires (25 %) sont souvent sinistroconvexes. Elles créent une asymétrie de taille, mais la gibbosité est en général discrète. Elles sont réputées bénignes car leur début est tardif et l’angulation reste souvent modérée et peu évolutive. Toutefois, leur pronostic est plus défavorable à l’âge adulte, en particulier si l’angle final excède 30°.
– Les scolioses doubles majeures (30 %) (habituellement thoracique droite et lombaire gauche) sont souvent équilibrées et esthétiquement discrètes. Leur évolutivité est moyenne et la tolérance à l’âge adulte habituellement bonne.
– La scoliose idiopathique touche préférentiellement le sexe féminin, avec un ratio de 8/2 pour les courbures de plus de 30°. Les scolioses des garçons ont la réputation d’être plus longtemps évolutives que celles des filles, mais aucune étude n’a pu établir de différence de sévérité liée au sexe. Enfin, 30 % des patients scoliotiques ont un parent atteint de la même affection.
Claude Karger – Traité de médecine AKOS
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