Dans les grandes entreprises qui s'aventurent dans le monde « digital », les concepteurs de sites web et autres applications mobiles se démènent sans relâche dans le but de créer une expérience utilisateur la plus intuitive et la plus ergonomique possible. Il me paraît cependant important de rappeler, occasionnellement, que, quels que soient leurs efforts et quels que soient les résultats qu'ils obtiennent, ce qu'ils produisent est irrémédiablement une solution façonnée d'abord et avant tout par la technologie.
En effet, offrir à un client le choix entre des produits à travers un menu et ses multiples options, lui proposer de souscrire un contrat en remplissant un formulaire (ce qui n'est qu'une réminiscence des processus administratifs d'antan, sur papier, que tout le monde déteste), lui demander de valider un choix par l'appui d'un bouton… Toutes ces actions, que la plupart d'entre nous considérons désormais banales, ne sont en réalité que les conséquences du mode de fonctionnement historique de nos ordinateurs.
Or, à l'ère de la « centricité » client et des progrès techniques galopants, il est peut-être temps de remettre en cause ces principes élémentaires et de se reposer la question originelle : quel est vraiment le moyen d'interaction le plus naturel pour un humain ? La réponse réside dans le concept de conversation, qui est à la base de tous les échanges entre individus, dès le plus jeune âge. Poser une question, obtenir une réponse, partager une information, corriger une erreur… le dialogue est inscrit dans notre ADN.
Il ne faut donc pas s'étonner du succès des enceintes connectées (Amazon Echo, Google Home…) qui permettent de répliquer nos modèles de communication préférés, du moins quand la qualité de l'interlocuteur virtuel (et son niveau d'« intelligence ») est au rendez-vous. Et, quoique dans une moindre mesure, les interfaces textuelles, par exemple sous forme de tchat, en constituent une déclinaison acceptable, surtout dans des conditions (dans les lieux publics, en particulier) où parler à voix haute n'est pas idéal.
Quand une startup telle que Cove (que j'évoquais récemment ici) offre un parcours de souscription d'assurance dans lequel une seule question est posée à chaque étape, un grand pas est accompli en direction de l'utilisateur, en ajustant l'outil à des schémas comportementaux familiers. Naturellement, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre une approche réellement conversationnelle, autorisant les retours en arrière, les digressions, les ruptures de séquences… qui la rendra incontournable à terme.
En dépit de la démocratisation de l'informatique, en particulier mobile, une grande partie de la population reste intimidée par les applications qui sont mises à sa disposition et il y a fort à parier qu'une partie du désir persistant d'une relation avec un conseiller humain dans la banque et l'assurance est due à la préférence pour un dialogue plutôt qu'une interface « mécanique ». Mais qu'en sera-t-il demain, quand les interactions « digitales » auront adopté le même paradigme… couplé à une expertise incomparable ?