J’aime bien les échelles mais aussi tous les modèles qui cherchent à nous aider à mieux appréhender la réalité. En matière de pyramide on connaît celle des besoins, dite de Maslow, j’en ai parlé jadis.
Je viens de découvrir sur twitter la Pyramide de Graham (ou pyramide du désaccord) théorisée par Paul Graham en 2008 dans son essai "How to disagree". Elle permet d'illustrer une hiérarchisation de la manière dont on argumente ou dont on débat. Le but étant évidemment de se tirer vers le sommet. On peut trouver un développement en anglais par Paul Graham lui-même ici. J’ai trouvé du Twitter un développement plus court pas Omar El Hamoui. On peut aussi lire l’art de toujours avoir raison.
Insulte : c'est le niveau ultime de bassesse en argumentation, et sûrement le plus courant. Et ça peut être de la forme "Espèce de connard" mais également plus élaborée du style "Vous vous complaisez dans votre ignorance et votre incompétence". Mais c'est du même acabit.
Ad hominem : même niveau que l'insulte, l'ad hominem ne réfute rien. On le croise souvent en débat politique : "oui fin normal que tu dises ça vu que t'es de gauche/droite". Ou bien "en même temps c'est Monsanto, donc normal de ne pas faire confiance". Voltaire en était victime.
Attaque sur la forme : là on ne s'intéresse plus à la personne mais à la forme de son argument, et c'est pas forcément mieux. Plutôt que de pointer ce qui est faux, on souligne comment c'est dit, où avec quel ton. Si l'auteur est grossier et ce qu'il dit est vrai, bah on accepte.
Contradiction : là on s'oppose au fond avec du fond, mais sans réfuter ce qu'a dit le contradicteur. Une contradiction peut avoir du sens, mais ne justifie rien. "Vous dites que le glyphosate est cancérigène. Alors que c'est faux, scientifiquement parlant". ne suffit pas.
Contre-argument : ici on devient un peu plus convaincant. C'est une forme de contradiction mais avec un raisonnement. Sauf qu'ici on sort (ou dévie) souvent du sujet central à chaque contre-argument qui s'oppose et ça donne souvent lieu à un mille-feuille argumentatif.
Réfutation : là c'est du lourd. Car on va citer un passage spécifique de l'argument contradicteur, qui semble erroné, qu'on tente de réfuter à travers un raisonnement et des preuves. C'est un cas d'argumentation qu'on retrouve rarement car il demande du travail.
Réfuter le point central : niveau ultime. Si l'objet à réfuter est le point central de l'argumentaire contradicteur, alors on tente ici de réfuter ce point central, en l'explicitant citation à l'appui. "Votre point central semble être X car vous dites «...». Sauf que..."
... et bien évidemment, on use d'un raisonnement, de preuves et également de diplomatie (dans la mesure du possible).
Un tel classement ne permettra pas forcément un bon débat ou d'avoir tout le temps raison. Un niveau de réfutation au sommet de cette pyramide peut s'avérer faux. La différence est que l'insulte et l'ad hominem seront TOUJOURS mauvais.
Le but est d'identifier le niveau d'argumentation de ce qu'on peut lire ou ce qu'on peut entendre, pour trier entre les bons argumentateurs et les démagogues. Un excellent tribun peut être convaincant, mais peut se contenter d'attaques sur la forme de son opposant ou ad hominem (pas mal d'exemple en ce moment et pas unique chez la France Insoumise).
En ce sens, on aiguise notre esprit critique en déterminant les formes des arguments qu'on retrouve, souvent sur des sujets polémiques, et ce qui s'apparente à de la malhonnêteté. Par ailleurs, ça nous permet de faire l'effort nous-même d'améliorer nos arguments. Et surtout, ça nous rend moins virulents face à la malhonnêteté. Bien sûr cette dernière peut nous énerver et nous attrister, mais s'efforcer d'être moins méchants (base de la pyramide) nous rend plus heureux et fiers.
Finalement, c'est un outil, comme les armes données par l'ensemble de la communauté sceptique à travers leurs vidéos sur la zététique (et de deux) ou les formations, afin de déceler les biais cognitifs. Le but est de s'en prémunir en sachant qu'ils existent. Sauf qu'ici c'est plus général.