Colette Stern, l’héroïne du dernier roman de Georges Conchon (qui lui avait simplement donné pour titre le nom du personnage), avait 62 ans en 1987, lors de la parution du livre. L’écrivain aussi. Elle resplendissait de santé, au point de séduire un acteur de 37 ans. Georges Conchon, lui aussi, resplendissait de santé et semblait à l’aube d’une nouvelle carrière de grand romancier, lui qui avait déjà connu le succès sur plusieurs terrains. Malheureusement, on a appris hier sa mort survenue dimanche, « des suites d’une maladie soudaine ». Fils d’instituteur, né en Auvergne, il s’était tôt essayé au roman puisqu’il avait publié Les grandes lessives à 28 ans, alors qu’il estimait avoir besoin d’une grosse dizaine d’années en plus pour être capable d’écrire vraiment. Il n’empêche qu’il n’attendit pas la quarantaine – à un an près – pour décrocher la timbale : le prix Goncourt, en 1964, pour L’État sauvage, après avoir déjà fait une ample récolte précédemment : prix Fénéon en 1956 pour Les honneurs de la guerre et prix des Libraires en 1960 pour La corrida de la victoire. Conchon ne pouvait se contenter d’une carrière littéraire. Il suivait en même temps une double voie, administrative et artistique. Sur la première, il fut amené à travailler au Sénat où il fut secrétaire des débats de 1960 à 1980 après avoir été chef de division à l’Assemblée de l’Union française. Sur la seconde, il écrivit quelques scénarios dont certains donnèrent même naissance à des films à succès. La Victoire en chantant, La Banquière, Le sucre (d’après son roman éponyme), Sept morts sur ordonnance, autant de titres qui appellent des souvenirs. Il avait même adapté pour le cinéma son prix Goncourt, L’État sauvage. Mais il s’était juré qu’on ne l’y reprendrait plus et clamait depuis, haut et fort, que la littérature n’était pas le cinéma et qu’il ne souhaitait plus voir ses romans adaptés au cinéma. Il est difficile d’affirmer que ce principe était le bon : il l’avait conduit à diriger, mais pour la télévision cette fois, l’équipe de scénaristes de Châteauvallon qui, il est vrai, n’avait rien de très littéraire… Il y a dix ans, Georges Conchon avait d’ailleurs décidé de se consacrer davantage à l’écriture, abandonnant le Sénat et mettant en chantier un épais roman, Le Bel Avenir, paru en 1983, où on retrouvait son regard critique sur le monde politique français de l’époque. Puis, il y a trois ans, il avait donné son chef-d’œuvre, ce Colette Stern pour lequel il avait même changé d’éditeur (quittant Albin Michel après trente ans de bons et loyaux services, pour Gallimard). Il y inversait la proposition habituelle d’une relation amoureuse liant un homme âgé à une jeune femme. Et il le faisait avec une sensibilité d’une rare finesse non dénuée d’humour. Ce subtil mélange nous manquera.
Colette Stern, l’héroïne du dernier roman de Georges Conchon (qui lui avait simplement donné pour titre le nom du personnage), avait 62 ans en 1987, lors de la parution du livre. L’écrivain aussi. Elle resplendissait de santé, au point de séduire un acteur de 37 ans. Georges Conchon, lui aussi, resplendissait de santé et semblait à l’aube d’une nouvelle carrière de grand romancier, lui qui avait déjà connu le succès sur plusieurs terrains. Malheureusement, on a appris hier sa mort survenue dimanche, « des suites d’une maladie soudaine ». Fils d’instituteur, né en Auvergne, il s’était tôt essayé au roman puisqu’il avait publié Les grandes lessives à 28 ans, alors qu’il estimait avoir besoin d’une grosse dizaine d’années en plus pour être capable d’écrire vraiment. Il n’empêche qu’il n’attendit pas la quarantaine – à un an près – pour décrocher la timbale : le prix Goncourt, en 1964, pour L’État sauvage, après avoir déjà fait une ample récolte précédemment : prix Fénéon en 1956 pour Les honneurs de la guerre et prix des Libraires en 1960 pour La corrida de la victoire. Conchon ne pouvait se contenter d’une carrière littéraire. Il suivait en même temps une double voie, administrative et artistique. Sur la première, il fut amené à travailler au Sénat où il fut secrétaire des débats de 1960 à 1980 après avoir été chef de division à l’Assemblée de l’Union française. Sur la seconde, il écrivit quelques scénarios dont certains donnèrent même naissance à des films à succès. La Victoire en chantant, La Banquière, Le sucre (d’après son roman éponyme), Sept morts sur ordonnance, autant de titres qui appellent des souvenirs. Il avait même adapté pour le cinéma son prix Goncourt, L’État sauvage. Mais il s’était juré qu’on ne l’y reprendrait plus et clamait depuis, haut et fort, que la littérature n’était pas le cinéma et qu’il ne souhaitait plus voir ses romans adaptés au cinéma. Il est difficile d’affirmer que ce principe était le bon : il l’avait conduit à diriger, mais pour la télévision cette fois, l’équipe de scénaristes de Châteauvallon qui, il est vrai, n’avait rien de très littéraire… Il y a dix ans, Georges Conchon avait d’ailleurs décidé de se consacrer davantage à l’écriture, abandonnant le Sénat et mettant en chantier un épais roman, Le Bel Avenir, paru en 1983, où on retrouvait son regard critique sur le monde politique français de l’époque. Puis, il y a trois ans, il avait donné son chef-d’œuvre, ce Colette Stern pour lequel il avait même changé d’éditeur (quittant Albin Michel après trente ans de bons et loyaux services, pour Gallimard). Il y inversait la proposition habituelle d’une relation amoureuse liant un homme âgé à une jeune femme. Et il le faisait avec une sensibilité d’une rare finesse non dénuée d’humour. Ce subtil mélange nous manquera.