Mon dernier billet sur les dépenses publiques, thème majeur du grand déba(llage) national, fut le sixième d'une série d'articles de circonstance et circonstanciés sur la crise des gilets jaunes (la révolte des gilets jaunes, impôts et taxes : un trop-plein d'inégalités, Macron propose de la poudre de perlimpinpin pour augmenter le SMIC, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), Grand déba(llage) national : la question des dépenses publiques). Aujourd'hui nous allons nous intéresser à l'évolution des salaires dans la zone euro et montrer que le partage des revenus se fait hélas au détriment des salariés.
Le partage des revenus dans la zone euro
De manière assez simple, si le salaire n'augmente pas au même rythme que sa productivité, alors il y a déformation du partage des revenus au détriment des salariés. Dès lors, on peut déduire du graphique ci-dessous, que le partage des revenus au sein de la zone euro se déforme structurellement en faveur des entreprises et donc au détriment des salariés :
[ Source : Natixis ]
Les deux exceptions notables sont la l'Italie... et la France :
[ Source : Natixis ]
Certains préconisent alors de ramener ces deux pays dans le moule en réduisant le pouvoir des syndicats (Italie) et en supprimant le salaire minimum (France), ce qui présage à n'en pas douter d'un monde merveilleux... Quoi qu'il en soit, actuellement, c'est plutôt la productivité qui me semble faible, et ce malgré la numérisation/ubérisation de l'économie dont on nous promettait pourtant des merveilles. Or, à terme, seuls des gains de productivité sont susceptibles de conduire à une hausse de la croissance, de l'emploi et des salaires.
Une situation identique au sein de l'OCDE
Cette déformation du partage des revenus au détriment des salariés n'est cependant pas propre à la zone euro. On la retrouve ainsi :
* aux États-Unis
[ Source : Natixis ]
* au sein de l'OCDE
[ Source : Natixis ]
Un problème social
Cette déformation du partage des revenus au détriment des salariés est le résultat de deux facteurs principaux :
* un basculement vers une économie de service où les gains de productivité sont en général bien plus faibles que dans l'industrie
[ Source : Banque Mondiale ]
* un affaiblissement important du pouvoir de négociation des salariés dans un monde du travail flexibilisé où la représentation syndicale est réduite à la portion congrue
[ Source : OCDE ]
Voilà où nous ont menés trois décennies de politiques économiques exclusivement axées sur l'offre, qui au nom de la compétitivité des entreprises ont feint d'oublier que le salarié était avant tout un être humain vivant en société et soucieux d'avoir une existence digne (absence de précarité salariale, filet de Sécurité sociale...)
Un problème économique
Il est clair que si le profit des entreprises augmente plus que ce qu'elles ont besoin pour investir - ce que l'on peut mesurer en première approche avec le taux d'autofinancement -, alors la croissance de l'économie en pâtit en raison d'un capital inefficacement employé. Or, depuis près d'une décennie le taux d’autofinancement au sein de l'OCDE dépasse 100 %, et les profits des entreprises terminent alors trop souvent en réserves de cash (actifs liquides et monétaires) et pas en investissement dans du capital nouveau !
[ Source : Natixis ]
Par goût de l'anaphore, je reprendrai la conclusion de la partie précédente en l'adaptant ainsi : voilà où nous ont menés trois décennies de politiques économiques exclusivement axées sur l'offre, qui au nom de la compétitivité des entreprises ont feint d'oublier que les salariés étaient aussi des consommateurs et ont choisi de privilégier les actionnaires. Or, ces derniers ont des exigences de rentabilité encore bien trop élevées (euphémisme) en regard de l'activité réelle des entreprises :
De telles exigences démesurées démentielles conduisent inévitablement à pressurer les entreprises, en éliminant les investissements de long terme porteurs de croissance et en aggravant la déformation des revenus au détriment des salariés :
[ Source : OXFAM ]
Demandez-vous après cela pourquoi les inégalités et la pauvreté augmentent, tandis que la croissance mondiale marque le pas...