Une interminable guerre civile en Espagne

Par Pmalgachie @pmalgachie
Le roman d’Almudena Grandes traduit de l'espagnol par Anne Plantagenet, Les trois mariages de Manolita, fait regretter de n’avoir pas lu les deux précédents, Inès et la joie et Le lecteur de Jules Verne. D’une part parce qu’il est formidable. D’autre part parce que ces trois ouvrages appartiennent à un cycle, intitulé Episodes d’une guerre interminable, qui comptera au total six volumes. La guerre est celle d’Espagne, avec ses prolongements, en effet interminables. Inès et la joie, situé en octobre 1944, raconte l’armée de l’Union nationale espagnole et l’invasion du val d’Aran. Le lecteur de Jules Verne, en 1947-1949, est consacré à la guérilla de Cencerro et aux trois ans de terreur. Nous sommes, avec le roman que voici, à Madrid, de 1940 à 1950. Si on pensait qu’il était presque impossible de renouveler notre vision d’événements très connus, Almudena Grandes prouve le contraire. Elle suit des dizaines de personnages et s’attache évidemment plus particulièrement à quelques-uns d’entre eux. Manolita, mise en valeur dès le titre, est une héroïne malgré elle. Elle est d’abord « Mademoiselle Faut Pas Compter Sur Moi », pas prête à s’engager, comme le font beaucoup d’autres de son entourage, dans la lutte contre le franquisme et ses soutiens. Les hommes ne l’intéressent pas vraiment. C’est pourtant au point de rencontre des deux éléments que sa vie bascule. Elle accepte, pour rendre service, un mariage qui n’en est pas tout à fait un avec Silverio, prisonnier politique sous la menace d’une condamnation à mort. Le service consiste à faire passer, de Silverio à des activistes clandestins, les informations nécessaires à faire fonctionner de complexes machines à polycopier. Manolita est entrée dans l’engrenage politique. Et aussi dans l’engrenage amoureux. Car le premier mariage avec Silverio sera suivi de deux autres, ce qui finit par faire une longue histoire. D’autant que ce fil narratif est traversé par quantité d’autres. Celui qui suit les actes et les pensées d’Orejas est un des plus intéressants. Traître dans l’âme, il ne cesse de dénoncer ceux qui voient en lui un compagnon dans leur combat contre Franco. Alors qu’il est un de ses sbires et qu’il joue habilement de ses différents masques. Sa carrière sera longue, explique la romancière dans une note complémentaire, aussi brillante que puante. Couronnée, même, par la Médaille d’or du mérite policier en 1977, après la mort de Franco.
On sort des Trois mariages de Manolita la tête pleine des rencontres faites dans ce roman épais. Un peu plus riche, aussi.