C’est en lisant « Le Lambeau » de Philippe Lançon, qui aborde le précédent ouvrage de Michel Houellebecq (« Soumission »), que j’ai finalement eu envie de lire un roman de cet « enfant terrible » des lettres françaises.
Si le titre de ce blockbuster de la rentrée littéraire fait référence à l’hormone du bonheur, celui-ci est bien évidemment ironique tellement l’auteur nous baigne immédiatement dans le désespoir. Suivre la déchéance de Florent-Claude Labrouste, 46 ans, narrateur du bouquin et grand consommateur d’antidépresseurs au détriment de sa libido, n’a en effet rien de réjouissant. Ingénieur agronome, il ne tire pas grande satisfaction de son boulot de contractuel au ministère de l’Agriculture (qui consiste notamment à promouvoir le camembert, le Pont-L’Evêque et le livarot à l’étranger), et son bilan sentimental n’est pas beaucoup plus réjouissant. Pourtant, quand son phallus n’était pas encore en berne, il avait presque réussi à trouver son bonheur auprès de quelques femmes…
Michel Houellebecq dresse donc le portrait d’un loser solitaire, accro à la nicotine et rongé par les regrets d’une vie qui a dû louper un virage au carrefour du bonheur. Le lecteur comprend bien vite que la sérotonine qu’il se voit prescrite par ordonnance ne lui permettra pas de faire demi-tour afin de corriger le tir, mais servira plutôt à atténuer la douleur de l’impact de cette chute qui s’accélère au fil des pages. Tout au plus, il parviendra à regarder en arrière, afin de contempler ses quelques moments où le bonheur était si proche… dans les bras de Kate, Claire et surtout Camille…
La dépression dont il est question est également celle de la France d’en bas, au bord de l’agonie, prête à troquer le bleu de travail pour un gilet jaune. Sur fond de révolte des agriculteurs, l’écrivain dénonce les dérives d’une société ultra-libérale et individualiste qui souffre le martyre. Tout en s’emparant de la souffrance sociale, Michel Houellebecq n’hésite pas à aborder tous les thèmes qui lui passent par la tête, de la zoophilie à la SNCF, en passant par Laurent Baffie. Le lecteur pourra certes regretter certains sujets abordés par pure provocation, voire ne pas adhérer à la vision de l’auteur, mais pourra-t-il reprocher à quelqu’un de parler de trop de choses quand il le fait si bien ? Je suis franchement fan de ses longues phrases souvent drôles et provocatrices, qui mettent le doigt où cela fait mal, tout en choquant le bourgeois.
Premier roman de Michel Houellebecq pour moi, septième de l’auteur… et un petit calcul vite fait qui vient de produire une bonne dose de sérotonine : me resterait-il six perles bien sombres à découvrir ?
Sérotonine, Michel Houellebecq, Flammarion, 352 p., 22 €
Ils en parlent également: Franck’s Books, A l’horizon des mots, Mélie et les livres, Des plumes et des ailes, Bisogna Morire, Lire et Voyager
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