Une étude d'anciens restes de plantes a révélé que des marchands du monde entier, dont l'Empire Romain, auraient visité ce lieu ou y auraient même vécu.
Manthai était une plaque tournante des anciens réseaux commerciaux qui sillonnaient l’océan Indien et reliait les coins les plus reculés de l’Asie, de l’Afrique, de l’Europe et du Moyen-Orient. La ville portuaire a prospéré entre 200 avant l'ère commune et 850 de notre ère. Au cours de cette époque, cela devait été un lieu pour le commerce des épices, qui transportait des clous de girofle indonésiens et des grains de poivre indiens vers les cuisines du Moyen-Orient et romaines.
Ce site important dans le monde antique reste difficile à étudier pour les archéologues.
Après des fouilles au début des années 1980, les recherches ont été stoppées en 1984 à cause de la guerre civile sri lankaise. "Manthai était en plein dans la zone rouge" dit Robin Coninghal, archéologue étudiant l'Asie du Sud à l'Université Durham au Royaume-Uni. Ce n’est qu’après la fin des combats en 2009 qu’une équipe, dirigée par le Département d’archéologie du Sri Lanka, a pu retourner sur les lieux pour poursuivre les fouilles.
Eleanor Kingwell-Banham, archéologue à l'Université College de londres, a rejoint l'équipe pour étudier les restes de plantes tamisées sur le site de fouille. Elle a trouvé en abondance des grains de riz cultivés localement, mais aussi des produits plus exotiques, comme du poivre noir carbonisé datant de 600-700 après l'ère commune et un clou de girofle de 900-1100 de l'ère commune. C'est une découverte exceptionnelle et rarissime car les anciens faisaient très attention à leurs épices.
"Les épices étant si précieux que les gens faisaient très attention de ne pas les perdre ou de les brûler" rapporte Kingwell-Banham, "ils avaient plus de valeur que l'or". Le clou de girofle, en particulier, avait dû faire tout un voyage, environ 7000 kilomètres depuis son lieu de pousse dans les Moluques en Indonésie.
L'équipe a aussi trouvé des restes qui permettent de relier la cité portuaire à l'ancien monde méditerranéen: des grains de blé transformés datés de 100 à 200 avant l'ère commune et des pépins de raisin datés de 650 à 800 avant l'ère commune. Aucune de ces cultures ne peut pousser sous le climat tropical humide du Sri Lanka, il a donc fallu les importer, peut-être depuis l'Arabie ou du monde romain.
Une cuisine cosmopolite
Kingwell-Banham a précisé que son équipe a étudié les isotopes chimiques absorbés par les plantes afin de déterminer où elles avaient été cultivées. Mais quelle que soit leur origine précise, la coexistence du riz et du blé témoigne de la «cuisine cosmopolite» de Manthai , dans laquelle des aliments locaux et étrangers étaient consommés. La découverte de blé et de raisin à Manthai "est totalement nouvelle, et attire l'attention sur les marchandises transportées de l'Asie du Sud vers le monde romain, et de celles qui vont dans l'autre sens" dit Coningham.
Y avait-il donc des marchands romains vivant à Manthai qui importaient et cuisinaient les aliments de leur patrie ? "C'est certainement une possibilité" d'après Matthew Cobb, historien qui a étudié les anciens réseaux commerciaux de l'océan Indien à l'Université du pays de Galles Trinity Saint David.
Mais personne n'a encore réussi à trouver de céramique romaine. Reste donc à savoir qui, à Manthai, avait le goût de la cuisine méditerranéenne.
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