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Corps schizophrène

Publié le 06 février 2019 par Lana

Je dis souvent que la schizophrénie est une rupture avec soi, les autres et le monde. Quand je dis avec soi, on pense forcément à une rupture avec son esprit, parce qu’il s’agit d’une maladie mentale. Mais c’est aussi une rupture avec son propre corps.

Beaucoup de sensations étranges étaient liées à mon corps.

D’abord, j’ai eu la sensation que mes bras étaient détachés de mon corps, qu’ils ne m’appartenaient plus.

J’ai imaginé ma jambe sectionnée, et je la tenais en main, la tournant dans tous les sens comme un objet, comme si ce n’était pas la mienne, et cette sensation était étrangement réelle.

J’ai fait des crises parce que je n’avais plus de sang, et j’étais obligée de me couper pour vérifier.

Je me coupais souvent d’ailleurs, pour voir ma souffrance sur mon corps, en espérant que quelqu’un d’autre la voit aussi (mais ce n’est jamais arrivé).

J’avais l’impression d’avoir une bête noire qui me rongeait de l’intérieur, dans le ventre.

J’avais des yeux derrière la tête, ou quatre yeux sur le visage. Mon corps gonflait, se transformait. Un jour, je me suis même transformée en animal.

Je n’avais plus de peau, et tout me blessait.

J’étais transparente, et on pouvait voler mes pensées.

Mon cerveau dégoulinait le long de ma tête, et je n’osais pas toucher pour vérifier, parce qu’aurais-je fait si c’était vrai?

Les gens me rentraient dedans, j’étais poreuse, un passe-muraille à l’envers.

Je maigrissais si vite que je ne me reconnaissait pas. Et puis j’ai grossi à cause des médicaments, et je me détestais, mais personne ne m’avait dit que les neuroleptiques faisaient prendre du poids. Personne ne se souciait de mon corps, je crois, et pourtant, oui, mon corps était aussi en vrac que mon esprit.


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