La moitié des habitants ont moins de quinze ans et marchent dans la boue.
Je n’arrive pas à comprendre.
Si je ne réside pas sur cette terre, si je n’en connais pas l’odeur,
Je ne sais rien.
Vue de haut, toute forme paraît impossible.
Et puis l’homme réveille les morts,
L’enfant sourit,
Les orphelins et les orphelines chantent.
Je ne comprends pas comment.
Dire que je ne comprends pas.
Le dire, c’est tout. À toi.
Pour que tu frémisses de honte
Dans ton sommeil.
C’est comme des milliers d’insectes près d’une fontaine de sang :
On ne sait pas où le mouvement commence et s’arrête.
Le monde est tel que tu l’aurais décrit dans ton rêve de toutes les époques.
Toutes les villes se touchent l’instant d’une vie.
Pas de fleurs, pas de sel :
Une vie.
Mais parle-moi de la mort,
Que mes yeux se reposent.
Un seul être parmi les êtres :
Parle-moi du dernier souffle d’un seul être dans une chambre.
Parle-moi d’un corps qui se vide de sa flamme.
Parle-moi de sang qui coule, de larmes qui prient.
Descends dans la rue.
Je t’envoie une photo de l’oubli.
***
Élise Turcotte (née en 1957 à Sorel, Québec) – Ce qu’elle voit (Le Noroît, 2010)