Il est un procédé couramment utilisé dans les républiques bananières pour discréditer les adversaires politiques : quand on ne peut les supprimer ou les enfermer, on exerce sur eux des chantages ou des menaces sur leur intégrité physique ou celle de leurs proches. Ou bien encore, il est possible de varier les plaisirs en « visitant » leurs domiciles pour les saccager et leur livrer ce message implicite : « On peut vous atteindre quand on le désire, y compris chez vous… » Et, lorsque les adversaires politiques se rebellent et dénoncent les méthodes utilisées par les barbouzes des officines proches du pouvoir, les autorités publiques disent alors que les opposants sont fous ou en état de détresse psychologique.
C’est très exactement le procédé utilisé par l’Etat UMP à l’encontre de Ségolène Royal au sujet des «cambriolages» dont elle a été victime les 17 août 2006 et 27 juin 2008. Au lieu de faire preuve de dignité et de responsabilité, au lieu de rassurer l’intéressée et, au-delà d’elle la Nation tout entière, puisque cela touche directement aux libertés publiques, l’Etat UMP envoie ses sbires les plus représentatifs pour s’en prendre à la personne de Ségolène Royal, l’insulter et mettre en doute son intégrité mentale.
C’est donc, sans le moindre étonnement, que l’on retrouve le sinistre Frédéric Lefebvre en compagnie de la clique du parti sarkoziste (Nadine Morano, Laurent Wauquiez, Christian Estrosi, Jean-Pierre Raffarin, etc.) dans cette sale besogne d’égoutier. L’UMP a donc lancé un concours d’abjections à l’encontre de la candidate socialiste aux présidentielles 2007 et c’est à celle ou celui qui se montrera le plus vindicatif et le plus grossier. Tels sont les courtisans quand ils chassent en meute et veulent plaire au Leader Minimo.
On a beau jeu, quand on y pense, de s’offusquer de ce qui s’est passé au Zimbabwe avec la « réélection » du Président Robert Mugabe, comme on a beau jeu de critiquer les pays qui ont une conception très relative du respect des libertés publiques et du respect de l’opposition politique. Même si la France n’en est pas (encore) arrivée à ce stade de décrépitude, elle risque, hélas, d’en prendre rapidement le chemin si les citoyens et les mandataires publics laissent se réinstaller de mauvaises habitudes au sommet de l’Etat. Il est incontestable que le climat politique dans notre pays est devenu poisseux et nauséabond, en l’espace de quelques mois, comme jamais il ne l’a été depuis une quarantaine d’années. Poisseux, nauséabond et inquiétant.
Insulter les adversaires politiques et les Français est devenu clairement un modus operandi de l’UMP. Sarkozy, lui-même, s’y est livré à maintes reprises, aussi bien lorsqu’il était ministre de l’Intérieur (cf. les racailles à nettoyer au kärcher), qu’en sa qualité approximative de chef d’Etat (« casse-toi pauvre con ! », « quand il y a une grève en France, plus personne ne s’en aperçoit »).
Afin d’étayer la thèse de la fragilité mentale de Ségolène Royal, on « trouve » maintenant comme par miracle des « empreintes digitales exploitables », on ne manque pas de relever le manque de sécurité de l’appartement de l’intéressée, etc. On exhume même l’enquête réalisée au sujet du cambriolage précédent, et - miracle ! - on se rend compte que la police avait déjà confondu la coupable : une jeune Yougoslave… sans doute en situation irrégulière.
En ce qui concerne le dernier délit commis, Maître Jean-Pierre Mignard, avocat de Ségolène Royal, s’est étonné de certains éléments de mise en scène, telles que les boucles d’oreille de la fille cadette de la leader socialiste exposées sur un lit ainsi que la mise en évidence de la plainte – déchirée – qu’elle avait déposée lors du précédent cambriolage. Maître Mignard a également indiqué à la rédaction du site Le Post que le ministère de l’intérieur a prévenu la presse de ces « éléments nouveaux » avant même de prendre contact avec Ségolène Royal et lui-même (*). C’est en effet un drôle de mode de communication, qui n’est pas prévu par le code de procédure pénale. Mais on rappelera que le ministère de l’Intérieur est coutumier du fait. En effet, dans une toute autre affaire, celle des émeutes de Villiers-le-Bel, il avait prévenu la presse pour qu’elle assiste aux interpellations de 35 suspects à 6h00 du matin.
On sent bien, par conséquent, qu’il est plus urgent pour le gouvernement d’allumer des contre-feux médiatiques, que de réellement faire la lumière sur ce dossier. On ressort la bonne vieille théorie du complot pour expliquer le prétendu délire paranoïaque de Ségolène Royal. En 2007, la droite en avait fait une cruche. En 2008, la droite veut en faire une cruche et une malade mentale.
Bref, tandis que l’UMP insulte, les pouvoirs publics esquivent les questions gênantes par des « éléments nouveaux » : pourquoi rien de valeur n’a été dérobé ? Pourquoi l’auteur ou les auteurs ont-ils simplement saccagé l’appartement (en effet, le saccage est rarement le corollaire d’une entrée par effraction dans le domicile d’autrui) ? Comment se fait-il que le ou les auteurs ont trouvé le « bon timing » pour pénétrer dans l’appartement ?
Il y a fort à parier que ces quelques questions (non exhaustives) demeureront sans réponse.
(*) 11 juillet 22:05 - Selon le site Arrêt sur Images, la personne qui a averti les médias sur les supposés éléments nouveaux concernant le premier cambriolage n’est autre que Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée et bras droit du chef de l’Etat. Il a déjeuné le 10 juillet avec Emmanuel Jarry, de l’agence Reuters et Antoine Guiral, de Libération et leur a livré des informations sur la jeune femme suspectée du premier cambriolage. On notera que Guéant est par ailleurs ancien directeur général de la police nationale.
Dans une lettre à ses abonnés en date de ce jour, le site Arrêt sur Images signale qu’il compte un membre de plus. Nicolas Princen qui est le conseiller chargé par Sarkozy de surveiller l’Internet.