Communardes ! Tome 2 : L'aristocrate fantôme de Wilfrid Lupano et Anthony Jean

Par Rambalh @Rambalh
Je n’arrive toujours pas à réellement savoir si ce tome est le premier ou le second avec certitude mais pour moi, il sera le premier parce que j’avais décidé que Les Éléphants rouges était le second (post-chronique : en fait, il s’agit bien du second tome, j’étais dans le faux). C’est avec plaisir que j’ai ouvert ce nouveau tome qui m’attendait bien sagement dans ma bibliothèque depuis presque un an.

Quatrième de Couverture
1871. Élisabeth Dmitrieff, une belle jeune femme russe de tout juste vingt ans arrivée à Paris depuis une semaine à peine, devient la présidente du premier mouvement officiellement féministe d'Europe : l'Union des femmes pour la défense de Paris et l'aide aux blessés. Véritable passionaria socialiste et va-t-en-guerre, elle est envoyée par Karl Marx lui-même ! Sa beauté et sa verve, qui la distinguent des autres insurgées, d'origines plus populaires, suscitent l'intérêt des « hommes » jusqu'ici peu sensibles aux revendications des communardes.
Ainsi, paradoxalement, l'une des premières grandes figures du combat pour le droit des femmes en France était... une aristocrate russe.
Mon avis
En plein cœur de la Commune, alors que les Versaillais cherchent à attaquer Paris au plus vite, Élisabeth Dmitrieff se démène du haut de ses vingt ans pour inclure les femmes dans l’action. Elle lutte pour que leur efficacité et leur utilité soient reconnues, pour qu’elles puissent travailler, s’impliquer, faire entendre leurs voix et se battre aux côtés des hommes dont elles sont les égales.
Encore une fois, Communardes ! met en lumière le rôle des femmes dans La Commune ainsi que la façon dont ce rôle est dénigré, amoindri. Les hommes cherchent à les cantonner à des activités de fond comme les cantines mais elles veulent et peuvent faire plus. Élisabeth Dmitrieff, personnalité ayant réellement existé et ayant tenu un rôle important durant ce pan de l’Histoire, fonde l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés en 1871 et y œuvre activement. Envoyée initialement à Paris par le Conseil Général de l’Internationale, elle s’engage sans limite et aurait été aperçue au cœur des combats comme au sein des réunions importantes.
Si cette BD semble romancer un peu les quelques semaines sur lesquelles se concentre le scénario, il en ressort une grande part de vérité, à savoir que Dmitrieff était une jeune femme forte, engagée, féministe et grande militante. Sa biographie parle d’engagement dès ses 12/13 ans, d’emprisonnement, de mariage blanc pour se libérer du joug familial, de retour en Russie où un autre mariage lui aurait permis de sauver la vie d’un condamné… Ses convictions étaient solides, profondes et c’est un très bel hommage qui lui est rendu dans L’aristocrate fantôme, où nous avons accès au cœur de l’histoire à travers cette femme qui n’était pas issue du prolétariat, là où Les éléphants rouges abordait l’année 1870 et suivait une classe inférieure luttant tant pour les libertés que pour pouvoir se nourrir.
Les dessins de d’Anthony Jean sont sublimes, toujours dans des tons marrons à dorés, rappelant les teintes du sépia, qui mettent dans une ambiance sombre et profonde. Les planches sans bulle, avec uniquement des combats violents, sont assez impressionnantes et ont un certain impact : j’avais l’impression d’un silence mortel, grave, qui collait à la perfection aux scènes dessinées.
Le seul bémol de ce tome est que je n’ai pas réussi à m’attacher à Élisabeth comme j’avais pu le faire avec Victorine dans l’autre tome : les événements s’enchaînent encore plus vite et je n’ai pas eu le temps de laisser mes émotions se répandre dans cette lecture. J’ai adoré le résumé historique mais il me manque un chouia de détails pour être parfait.
Comme le soulève très bien L’erreur sociale sur le forum Accros & Mordus de Lecture, le côté Historique est rapidement mis au second plan pour laisser toute la place à la condition de la femme, à la lutte de ces Communardes qui ne doit pas être oubliée. Malgré les quelques défauts dus notamment au format court de ces BDs, Communardes ! est une saga qui me transporte et me pousse à me replonger dans cette partie de l’Histoire que je ne connais que trop peu.
Et puis, surtout, c’est mon intérêt pour la littérature féministe ou mettant en avant des femmes qui fait que j’aime cette saga. On peut se dire que l’on revient de loin, que le droit des femmes a évolué mais la misogynie décrite au cœur des pages est toujours présente de nos jours. Le combat à mener sera encore long :
« Tu mélanges tout ! Tu vas trop vite ! L’heure est à l’unité ! Tu fais peur à tout le monde, avec tes revendications guerrières !
– À tout le monde ? Vraiment ? Ou à une poignée de vieux mâles trop gras qui prétendent tenir les femmes à l’écart des affaires pendant encore un siècle ou deux ?
»
Nous sommes à peine un siècle et demi plus tard et… Je n’ai pas besoin d’en écrire plus.
En donnant enfin à toutes ces femmes qui ont fait avancer l’histoire la lumière qu’elles méritent, un grand pas est fait. Que ce soit en rappelant les noms de grandes scientifiques effacées des travaux au profit de leurs collègues masculins ou en expliquant leur rôle à de grandes étapes de l’histoire comme dans cette saga, nous inversons le processus qui a cherché à effacer les femmes de l’Histoire.
Une saga à lire pour se rappeler du chemin qu’il reste à faire et rendre hommage à toutes celles qui se sont battues avant nous.
Les avis des Accros & Mordus de Lecture