Ainsi le roi divin selon Frazer détiendrait un pouvoir sur la nature et de sa conduite dépendrait la fertilité du sol, l'abondance des récoltes et la reproduction des hommes. Il serait le centre dynamique de l'univers d’où la nécessité de conformer rigoureusement ses actes et le cours de son existence à l’ordre du monde et donc aux différents rituels. Il devrait être mis à mort ou invité à se suicider à l'approche de la sénescence ou après un certain nombre d'années de règne le pouvoir sur la nature est commandé par la santé et la force du roi. Aussi, lorsqu'elles risquent de décliner, le monarque doit-il être éliminé et remplacé afin que soit sauvegardée la communauté politique
Si le schéma évolutionniste du Rameau d’or ,passage d’un thaumaturge primitif à un roi divin, donc de la magie première à la religion est désormais critiqué et a valu à Frazer un oubli temporaire , on garde désormais comme outil problématique la description qu’il fait de ce personnage et de l’ordre symbolique qu’il soutient à savoir les caractéristiques du sacré.
L'emploi du mot « sacré » reste à préciser : l’acception habituelle est religieuse .Le « sacré » est une notion large, désignant « tout ce qui est en relation avec la religion dans une opposition à profane. Toutefois le terme n’a pas d’abord que ce sens. E. Benveniste dans le vocabulaire indo européen et chez les latins en soulignait le caractère ambigu ; il décrivait l'homme « sacré » comme « hors de la société des hommes ». Le sacré serait donc d’abord un domaine distinct. Ce que confirme d’ailleurs, à l’inverse, profane (pro-fanun- ce qui est devant ou à l’extérieur du temple).
Frazer avait en ce sens dégagé plusieurs caractères qui font le paradoxe du chef sacré :
Régner pour le « roi divin » primitif ne consiste pas à gouverner ni à donner des ordres, mais à garantir l’ordre du monde et de la société en observant des prescriptions rituelles. Comme personnage sacré, le chef ou roi n’est pas maître mais bien captif de l’institution, enfermé dans le rituel. Assigné à résidence et reclus dans son palais, il est soumis au même type de restrictions que les êtres en état d’impureté : femmes indisposées, guerriers ayant donné la mort, criminels. Il y a une alliance intime entre le pouvoir et l’interdit sur lequel il faudra revenir.. Surtout Frazer mène une réflexion à partir de l’antiquité romaine, sur les « rois-prêtres » du culte de Diane, dans le bois sacré de Nemi. Il y dégage l’idée d’un régicide rituel inhérent à l’institution.
Pour devenir Roi du Bois, tout esclave fugitif qui trouvait refuge dans l'enclos du sanctuaire devait mettre à mort le prêtre en place, non sans avoir au préalable cassé une branche d'un rameau situé à l'intérieur de l'enceinte sacrée ; rappel du geste mythique d'Énée, invité à cueillir un rameau d'or avant d'entreprendre son voyage au pays des morts.
Le » régicide » aurait une double finalité. à la fois lorsque les forces vitales du souverain sont atteintes par la maladie et la vieillesse et donc menacent fertilité et renouveau de l’ordre naturel, qu’elles ne peuvent plus soutenir ;aussi ,parce que si on attribue de ce fait au chef la responsabilité des catastrophes naturelles et des maux qui accablent une société ,il va servir de « bouc émissaire » prenant en charge tous les maux qui peuvent atteindre le groupe et sacrifié pour cette raison.: il doit être mis à mort pour purifier la collectivité dès que le salut de celle-ci paraît l’exiger.
.A l’image du prêtre roi de Nemi perpétuellement aux aguets dans le bois sacré, le titulaire de la fonction royale vit donc dans la menace…..
« A la jouissance de cette tenure précaire s’attachait le titre de roi ; mais jamais tête couronnée n’a dû dormir d’un sommeil aussi fiévreux, hanté de rêves aussi sanguinaires, car d’un bout de l’année à l’autre, hiver, été, sous la pluie ou par le soleil, il avait à monter sa garde solitaire. Fermer, pour quelques brèves secondes, sa paupière lassée, c’était mettre sa vie en jeu ; la moindre trêve de vigilance lui créait un danger ; un minime déclin de ses forces corporelles, une imperceptible maladresse sur le terrain, un seul cheveu blanc visible sur son front, auraient suffi pour sceller son arrêt de mort. » [Frazer, 1981, p. 19].
« L’idée que les royaumes primitifs sont des États despotiques, où le peuple n’existe que pour le souverain, est entièrement inapplicable aux monarchies que nous étudions.
Plusieurs anthropologues contemporains ont réactivé les thèses de Frazer tout en les débarrassant des scories évolutionnistes (passage d’une magie « sympathique » avec la nature à la religion et au divin) qui avaient un temps fait oublier l’auteur du Rameau D’or. Ainsi Luc de Heusch voit plutôt, dans ce que pointe la notion de roi sacré, un phénomène d’ordre structural permanent et particulier au continent africain mais qui réapparait sous des formes diverses en fonction d‘une histoire contingente.
IL y a bien sûr le plus souvent migration et conquête , violence qui fonde telle forme de royauté mais ces formes violentes ne feraient que détourner au profit d’un clan, d’un groupe d’envahisseurs ou de la colonisation un ordre rituel traditionnel qui persiste donc toujours à travers ces configurations particulières.
« Le souverain peut aussi être lui-même prêtre, et rendre un culte à un esprit protecteur distinct ;. Les récits relatant les origines de ces cultes montrent souvent leur caractère factice. Cette sacralisation du pouvoir est particulièrement évidente là où l'apparition des chefferies résulte de circonstances historiques, liées à l'installation d'immigrants devenus maîtres du pays. Toutefois elle s'inscrit dans la logique de la situation représentée chez les Mofu par les petites « montagnes » du nord, où le desservant de l'unique culte à un « esprit de la montagne » est le chef du groupe. Son pouvoir est uniquement religieux : ce chef ne prétend à aucune prestation en nature ou en travail ; il ne prend aucune décision en matière de justice ou de guerre. Le pouvoir religieux apparait ici comme la forme première du pouvoir, son « noyau dur », autour duquel viennent ailleurs s'agréger d'autres manifestations d'autorité, et c'est leur ensemble qui constitue le pouvoir politique proprement dit.
« Est-ce en raison des responsabilités religieuses du souverain ? Ou plutôt de l'étendue de son pouvoir ? Il apparaît comme un être ostensiblement placé à part, différent des autres hommes, personnifiant sa chefferie. » Jeanne-Françoise Vincent, « Des Rois Sacrés Montagnards », Systèmes De Pensée En Afrique Noire
Ainsi chez les Moundang qu’étudie Alfred Adler, le pouvoir cosmique du roi avait pour corollaire sa mort. Le régicide était la conséquence de l'usure du pouvoir et c'est le crâne du père qui tuait le fils. » II suffisait, pensaient les Moudang , au fossoyeur de passer non loin du Go-Léré avec le crâne du prédécesseur pour que le roi succombe. En fait, cette démarche s'accompagnait de l'administration d'un poison. Être à part de son vivant, le roi mort subissait un traitement hors du commun . Son cadavre stérilisant la terre, il fallait le faire disparaître, mais non sans avoir prélevé la tête, symbole de la dynastie. Le corps était ébouillanté afin d'activer son pourrissement, puis enfermé dans une urne ; les os ensuite jetés dans une rivière en crue afin qu'ils soient évacués le plus loin possible. Officiellement, le roi était enterré dans le bois sacré des masques et c’est là qu’on criait :" la mort est le masque du roi".
« Une tentative toute récente d'explication du problème des royautés divines africaines est plus radicale. Elle est due à René Girard qui place ces royautés « parmi les systèmes certainement les plus indéchiffrables de la planète ». La thèse peut se résumer brièvement : les membres d'une société, pour se purger et faire échec à leur violence intrinsèque qui risque de désintégrer la société elle-même si on lui laisse libre cours, font l'unanimité entre eux en sacrifiant d'un commun accord un bouc émissaire, ce qui rétablit l'ordre et la prospérité. Le bouc émissaire est vu comme un fauteur de troubles en même temps qu'il est, de par sa disparition, le garant de l'ordre. C'est donc de la violence incontrôlée que découlent, paradoxalement, paix et prospérité. Pour éviter de retomber dans le chaos, on va tout simplement répéter le sacrifice du bouc émissaire, mais en l'institutionnalisant
Un être à part ne serait-ce que par la résidence et l’économie productive : Ainsi le roi Moundang de Léré : La résidence royale, au même titre que la filiation et l'alliance, échappe elle aussi aux normes communes et se singularise par l'ap-parition d'espaces et de fonctions spécifiques: En apparence le roi a tout simplement une maison, une « concession ;il y vit avec ses épouses et ses enfants ainsi que tous ses animaux domestiques, comme tout un chacun,. Pourtant une illustration du caractère hors normes reste le départ précoce des garçons dont aucun, à l'exception du successeur, ne reviendra avec une épouse pour y fonder un foyer. La masse de jeunes serviteurs et l'importance numérique du gynécée (le roi en place au moment de l'arrivée des Français avait environ 300 femmes) font de la maison royale autre chose qu'une habitation au milieu des autres du village. Il s'agit d'une sorte de « méga-Machine de production» alimentant en denrées sacrificielles un centre de culte où se rassemble la population entière de Léré à laquelle viennent se joindre des délégations venues des quatre coins du royaume. Dans cet espace sanctuarisé, les règles découlant de la parenté lignagère et clanique n'ont plus cours ; tout fuyard, homme ou femme, peut, quant à lui, y trouver refuge et se remettre lui-même comme captif entre les mains du roi. Une fois intronisé, le nouveau roi est soumis à des règles diverses et nombreuses qui commandent ses rapports avec la population, avec ses proches (serviteurs, épouses et parents), avec son corps et avec ses ancêtres ; ces interdits le protègent mais figent une partie de ses comportements et sont la marque même de la sacralité.
Néanmoins, quelle que soit l'étendue de son pouvoir, la liberté de mouvement du souverain est le plus souvent soigneusement contrôlée : le roi sacré est toujours, d'une manière ou d'une autre, le prisonnier du groupe qui l'investit. Son comportement est entravé par une série d'interdits. » Les interdits vont justement le placer au-dedans et au dehors du corps social . Le roi est « hors clan » dit Alfred Adler, « il vient d’ailleurs » selon Luc de Heusch. Dans la royauté Kongo , il était voilé et dissimulé derrière une tenture, au cours des audiences publiques. Dissimuler le visage est symbolique de la logique implicite de la figure du souverain.. Exhiber tout en cachant, montrer sans révéler.Le roi est soit dissimulé, quoique présent, dans une fiction cérémonielle ou encore on lui suppose un double corps, visible et invisible, mystique. Quel que soit la fiction, le chef ne devait pas tout à fait être fait un semblable puisqu’il servait de référence à l’identité de tous. Cette conception d’un double corps a existé également à propos des souverains européens.
Ce que décrit JCL.Muller chez Les Rukuba
« Nous n'avons pas encore indiqué ce qui distingue le roi rukuba de ses concitoyens. Rien ici des fastes et des pompes entourant ceux de ses homologues qui disposent d'importants surplus économiques. C'est au niveau des conceptions cosmologiques qu'il les rejoint. La royauté et la personne du roi sont dangereuses ; on ne peut ni boire ni manger après le roi dans le même récipient sous peine d'être infecté par ses pouvoirs mystiques qui, finalement, se retourneront contre l'imprudent et le feront mourir ou, à tout le moins, tomber gravement malade. Le roi ne peut, pour les mêmes raisons, frapper un de ses administrés sans risquer de le tuer. La réciproque — un sujet élevant la main sur le roi — aurait le même effet. Le cadavre du roi ne doit pas être vu et, après avoir été « préparé », il ne peut toucher terre pendant son transport au cimetière, sous peine de catastrophes. Les rois divins sont souvent soumis à de multiples prohibitions, alors que les Rukuba n'ont presque rien à dire sur ce point : il ne faut pas que le roi entre en contact avec, ni ne mange, deux sortes de feuilles utilisées pour rehausser certaines sauces, et c'est à peu près tout. Le roi se distingue surtout du reste de ses sujets en ce que c'est à lui que le village s'identifie. Une épidémie, plusieurs morts violentes et subites, une sécheresse persistante et, autrefois, des revers à la guerre ainsi que des invasions de sauterelles, et voilà le roi en grand danger d'être déposé pour incompétence mystique. Son « sang » n'est pas assez fort, sa chance — sa « blancheur » — n'est pas assez puissante aux yeux de Dieu, les sept « âmes » qui sont l'apanage d'un roi et que les Rukuba décrivent quelquefois comme ses gardes du corps, sont trop faibles et n'ont pas pu l'aider à prévenir les désastres. Il faut donc se débarrasser de lui le plus vite possible en le déposant. Muller Jean-Claude. La Royauté divine chez les Rukuba (Benue-Plateau State, Nigeria). In: L'Homme, 1975, tome
Il faut ici examiner le rapport précis de l’interdit des tabous avec le pouvoir .
Alfred Adler fait justement remarquer que les tabous entourant la personne royale sont identiques à tous ceux qui concernent la vue du sang et le danger que le sang représente : femmes menstruantes ou accouchées, jeunes filles à la puberté, blessés portant des plaies ouvertes, meurtriers, etc. Dans ces sociétés, les personnes qui constituent une source de contagion sanglante — soit qu'elles saignent elles-mêmes, soit qu'elles soient venues en contact avec le sang, soit encore qu'elles aient enfreint, volontairement ou non, le tabou du sang — sont soumises au même ensemble d'interdits de contact et d'interdits sexuels et alimentaires, qui représentent autant de mesures de protection contre le danger. et l’auteur de présumer que si le chef sacré est soumis à ces interdits c’est qu’il a dû violer d’une certaine manière le tabou du sang.
. « A la question de savoir quelle est la violation qu'il commet, la réponse se présente immédiatement, car elle fait partie des données du problème : c'est la violation du tabou de l'inceste. Il est notoire, en effet, que les chefs et les rois des sociétés barbares ou archaïques, que Frazer a appelés « rois divins », descendent de familles incestueuses et commettent rituellement l'inceste .
L'inceste fait partie des coutumes royales. Il est souvent pratiqué, ouvertement ou sous quelque forme déguisée, lors des cérémonies d'investiture, et trouve des références dans les mythes d'origine des dynasties. » Alfred Adler .OP. Cite
De l’inceste royal Luc de Heusch a révélé beaucoup de données et d’exemples montrant qu’il était fondé par les mythes :
Ainsi le Reth, roi des Shilluk du Soudan Nilotique était considéré comme l'incarnation du héros mythique Nyikang et de son fils Dak ; Dak aurait épousé sa demi-sœur et Nyikang aurait imposé cette règle à ses successeurs .
Si l’inceste royale est la violation des tabous par excellence c’est qu'il enfreint l'interdit qui, en prohibant l'union entre consanguins, impose le système exogame régissant l'ordre social. ».le roi est « devenu un danger et pour lui-même et pour les autres » et en même temps, il est devenu apte à obtenir magiquement des résultats favorables tels que le maintien et l'accroissement de la fertilité des champs, de la fécondité du bétail et de tout ce qui est propre à assurer la prospérité des sujets ..
Cete ambivalence née de la violation des tabous du sang caractérisait la personne royale. Selon Alfred Adler, le roi des Jukun (Nigeria), par exemple,était accueilli par ses sujets, prosternés devant lui, aux cris de « Nos récoltes ! », « Notre blé ! », « Nos fèves ! », « Nos noix ! », « Notre pluie ! », « Notre richesse ! », « Notre santé ! ». Cependant, on ne lui permettait pas de visiter les champs au début de la pousse du blé, parce que les Jukun étaient persuadés que les récoltes en seraient ravagées par la force émanant de sa personne.
Le roi apparaissait comme un dispensateur de médécines et il était entouré de fétiches qui présentaient le même caractère à la fois bénéfique et destructeur. Chefs et souverains s'identifiaient à ces objets, à ces médecines, qui étaient censés assurer la victoire sur l'ennemi et la prospérité et le bonheur du royaume, et qui représentaient en même temps les insignes de leur statut, les symboles de leur puissance magique.
Le phénomène de l’intronisation et la violation des tabous du sang conféraient une propriété unique au chef ou roi et en le transformant lui-même dit Luc de Heusch en un « corps-fétiche » au service de l'ensemble d'une communauté .
Un exemple singulier était celui du prêtre roi Evhe du sud, relaté par Albert de Surgy.:
IL vivait confiné dans une forêt sacrée, en compagnie d'une promotion de jeunes épouses rituelles, d'une compagne, d'un gardien de sa personne et d'un gérant de ses biens. Il lui était interdit de travailler et d'avoir le moindre rapport sexuel. Sa fonction essentielle n'était pas de commander mais de prier. Toutes les décisions politiques étaient prises par ceux et celles qui vivaient dans son entourage. Il y lieu de penser qu'il était autrefois mis à mort au bout de 77 lunaisons. Comme la durée des règnes était inférieure à celle des interrègnes, ce prêtre-roi ne semblait intronisé que pour être en état d'exercer après sa mort un rôle d'éminent intermédiaire dans l'au-delà. Il ne disposait d'aucun palais mais était tenu de vivre dans une portion aménagée d'un reste de forêt primaire d'où tout signe de modernité était exclu. On ne s'y asseyait que sur des nattes. On ne devait pas y allumer de lampe-torche et y installer l'électricité. Il ne fallait y porter ni chaussures, ni bracelet-montre, ni chemise, ni pantalon. Les visiteurs ne pouvaient y pénétrer que la poitrine dénudée, les reins ceints d'un petit pagne.
Réclusion définitive, interdiction de travailler, interdiction d'avoir des rapports sexuels, en bref séparation complète d'avec le monde de la production, ne rendaient pas séduisantes aux yeux d'éventuels candidats la fonction de prêtre-roi. N’étaient guère disposés à l'assumer, et effectivement choisis pour l'assumer, que des hommes âgés ayant déjà été jusqu'au bout de l'expérience normale de la vie.(le dernier fut intronisé en 1967 jusqu’en 73).
On a vu, à propos des Moundang et du mythe de Damba, que le phénomène du don présent dans les sociétés traditionnelles amérindiennes et océaniennes était aussi prégnant dans le rapport au pouvoir en Afrique. Damba avait reçu le pouvoir de la part des clans parce qu’à la place du chef autochtone, il distribuait de la viande en abondance. Ce phénomène du Don, que "L’essai Sur Le Don" de M.Mauss qualifie de" phénomène social total" , n’est pas notre conception comme acte libre et désintéressé .
Il s’agit paradoxalement d’une forme d’obligation, à chaque étape d’une triade « donner, recevoir, rendre ».Le don n’est pas l’échange exogamique ni l’échange économique. Il peut être agonistique (ex les sociétés amérindiennes): on donne alors pour que l’autre n’ait pas les moyens de rendre et y perde prestige et pouvoir.
Les clans Moundang ont confié le pouvoir à un étranger Damba lequel était pourvoyeur de viandes . Ce qu’ils avaient reçu de lui ,ils lui ont « rendu » en lui donnant leurs filles sans dot , en lui conférant une maitrise cosmique ,(don de pierres de pluie ) ;il l’ont institué maitre des sacrifices et propriétaires des masques..
« L’insigne principal de sa fonction est un chapeau de vannerie, orné de deux grands disques de cuivre. Curieusement, lorsque ce couvre-chef est présenté au nouveau nkumu, l’on assiste à un véritable marchandage. Le candidat commence par offrir un nombre dérisoire de barres de cuivre ; on le presse alors d’en donner davantage et la scène se répète jusqu’à ce qu’une centaine d’unités aient été livrées. Le poids économique de la charge est donc considérable. Comme le chef de lignage tetela, le nkumu ntomba accède à sa dignité par un véritable potlatch. A cet égard les deux institutions sont structurellement apparentées, bien que la seconde se sépare radicalement de la première par la nature même de la fonction.
Ces pouvoirs considérables s’acquièrent par des dépenses ostentatoires suivies d’une initiation qui porte la marque de la rupture. Le nkumu est véritablement un big-man investi d’un pouvoir rituel. Le candidat, le corps barbouillé de noir de charbon, commence par rendre visite à l’ensemble de sa parenté pour rassembler les nombreuses monnaies de cuivre qu’il devra distribuer pour acquérir la dignité de nkumu : celle-ci s’acquiert donc par une démonstration de générosité
Etrange marché à vrai dire. Il ne s’agit évidemment pas d’un acte de pure réciprocité car le potlatch, fût-il exorbitant, ne compense évidemment pas la créance perpétuelle que le nkumu détient sur le groupe. En fait, le nouveau chef est censé apporter par la voie des rites d’immenses bénéfices à la société. Et ce pouvoir est d’un ordre particulier, il ne prend pas sa source dans l’ordre familial. Au contraire, il lui est extérieur, il est d’ordre transcendant. » Luc De Heusch ,Ecrit Sur La Royauté Sacre. Editions De L’université De Bruxelles.
Entre 1988 à 1991, Daniel Lainé, journaliste et photographe de presse français, a passé 12 mois en Afrique. Au cours de ses séjours, il a parcouru le continent pour retrouver et photographier des figures royales et chefs de royaume. Toutes ces photos sont compilées dans un beau livre : Les Rois d’Afrique. on peut en voir sur le site: https://www.paperblog.fr/992841/rois-d-afrique/
A suivre