Une métaphore frappe dès les premières images de Casshern Sins : celle du Japon de ce début de siècle où les mirages de la technique issus de la croissance d’après-guerre laissent désormais place à un champ de ruines sur le plan social. Une thématique assez récurrente dans les fictions des pays industrialisés mais qui prend dans celles de l’archipel une place toujours plus prépondérante. Les japonais, après tout, ne voulurent jamais vraiment de cette technique pour commencer et seule leur défaite qui marqua la fin de la guerre du Pacifique les poussa à l’accepter. Malheur aux vaincus. Ici, ce malheur se caractérise par la déchéance des traditions face au rouleau compresseur d’un modernisme dont les limites, pourtant, se firent voir bien plus vite que celles du modèle précédent.
C’est une différence de taille entre cette itération de Casshern et ses versions précédentes, chacune d’elle ou presque se réclamant du genre Super sentai ou du moins quelque chose de ce goût-là. Dans Sins, ce qui arriva avant le meurtre de Luna importe en fin de compte assez peu, de même que les origines de Casshern d’ailleurs, et seule compte la situation immédiate. Un éternel présent où les machines aussi peuvent mourir et les humains se réduisent à des ombres vivant comme des rats entre les restes d’une civilisation technicienne trop arrogante pour durer. Ici, et au contraire de ce que dépeint l’univers d’un Bullet Armors (MORITYA, 2010), le système technicien lui-même devient victime de la décomposition sociale qu’il provoque.
D’où le rythme narratif de l’œuvre. Mélancolique dans la tragédie décrite et définitivement contemplatif, il ne laisse à l’action pure que le minimum vital pour souligner les enjeux du récit et la tension de la situation de chaque protagoniste. Désormais seul immortel dans un monde à l’agonie, Casshern ne s’interroge pas sur l’intérêt de cette spécificité au sein d’un tel contexte et au lieu de ça apprendra à renouer avec la figure du héros qu’il incarne. Les robots, eux, désormais mortels, comprendront en quoi cette nouvelle situation les rapproche de leurs créateurs et ainsi les libère de leur servitude autrement que par la révolte simpliste et somme toute réactionnaire. C’est bien connu : tout au fond des ténèbres se trouve la lumière…
Quant aux images proprement dites, elles font preuve d’un style graphique pour le moins surprenant et qui sous bien des aspects renoue avec les racines de la franchise Casshern tout en les sublimant. Minimaliste et bien loin des poncifs du genre super-héros dont le Super sentai n’est jamais qu’un avatar parmi d’autres, il présente un protagoniste principal presque filiforme et des machines aux allures de faux cartoons sans laisser la moindre place à quel que réalisme que ce soit, peut-être pour mieux souligner l’aspect métaphorique décrit plus haut, ou plus simplement pour écarter davantage cette technique dont le réalisme pictural est souvent le but, voire le prétexte. Quoi qu’il en soit, si le résultat étonne d’abord, il charme très vite avant de finir par s’imposer comme une évidence.
Grande réussite de cet exercice toujours délicat qu’est le remake, Casshern Sins compte parmi ces succès de l’animation japonaise qui méritent bien plus qu’un simple coup d’œil. Vous en passer manquera certainement à votre culture et à votre plaisir de spectateur avisé.
Casshern Sins, Shigeyasu Yamauchi, 2008
WE Productions, 2013
24 épisodes, env. 10€