Top 10 des films 2018

Les dix meilleurs films de l’année 2018 ? Plutôt un classement subjectif, forcément subjectif où le cinéma asiatique domine, bien accompagné par des réalisateurs français. À apprécier et à voir sans modération.

1. « Leto » de Kirill Serebrennikov

Un petit bijou de film musical en noir et blanc, plein d’inventivité, débordant d’énergie. Une chronique musicale – très rock – des années 80 de la Russie en pleine désagrégation politique. Hymne à l'amour et à la rébellion contre le conservatisme d'un pouvoir incapable de maîtriser les aspirations d'une jeunesse nourrie aux groupes anglo-saxons. Avec son intrigue à la Jules et Jim, « Leto » (« L’été ») est porté par la une actrice radieuse.  Superbement filmé en noir et blanc, le réalisateur s’autorise des audaces de mise en scène. Le film prend des allures de comédie musicale : les passagers d’un train se mettent tout à coup à chanter. Des éléments d’animation sont insérés dans l’image, les paroles d’une chanson apparaissent à l’écran et, vers la fin, la couleur  apporte une nouvelle dimension documentaire au film. « L’été » est un film imprégné de l’esprit rock : sauvage, romantique, révolté, créatif.

2. « Burning » de Lee Chang-Dong

Un trio amoureux dans le vide de la société sud-coréenne. L’inscription des corps dans le cadre, la gêne de certains personnages et l'arrogante aisance des autres suggèrent l’écart d’incommunicabilité entre deux classes sociales, un film assez antonionien. Film froid en apparence mais brûlant en profondeur. Le film de Lee Chang-Dong commence par une rencontre fortuite, une jeune fille décontractée drague un jeune homme timide, l’emmène chez elle et couche sans tarder avec lui. Elle a, soi-disant, un chat qu'on ne verra jamais, mais existe-t-il vraiment ? Le doute s’insinue progressivement : qui ment ? Qui est qui ? L'étrangeté s'installe tout au long du film (qui est une adaptation d’un texte de Murakami). Deux scènes du film sont d'une beauté stupéfiante : la scène de danse de la fille au coucher du soleil sur une musique de Miles Davies et les images « glaçantes » de la scène finale. Les trois acteurs sont intrigants et magnifiques.

3. « Senses 1, 2, 3 & 4 » de Ryusuke Hamaguchi

Senses propose une exploration de la vie de quatre femmes japonaises contemporaines approchant la quarantaine. Film délicat, sensible, faussement improvisé, traçant de magnifiques portraits de femmes soumises aux conventions de la société japonaise. Ainsi, l’une d’elles est en instance de divorce qu’elle ne peut obtenir sans le consentement de son mari qui le refuse. Elle disparaît soudainement, le film observe alors les tourments, incertitudes, interrogations provoqués par cette secousse. Le film donne à partager l’intimité de ces femmes avec sensibilité et tendresse.

4. « La Douleur » d’Emmanuel Finkiel

Comment filmer la littérature (Marguerite Duras pour le texte) ? Comment donner à voir une époque historique (la Seconde Guerre mondiale) ? Comment rendre compte de l’attente du mari disparu ? Toutes ces questions, Emmanuel Finkiel les aborde avec subtilité, intelligence, sensibilité par des choix de mise en scène radicaux. Par exemple, par l’usage de longues focales qui donnent de l’épaisseur au premier plan en créant le flou dans la profondeur de l’image. Cinéma de la perception renforcée par un travail remarquable sur la bande son. C’est aussi un usage de la voix off qui restitue magistralement le texte de Duras, sa voix intérieure.

5. « Seule sur la plage la nuit » de Hong Sang-Soo

Un film bouleversant traçant le portrait d’une jeune actrice de retour dans son pays après un scandale lors de son exil à Amsterdam. Hong Sang-Soo creuse les questions au cœur de ce qui constitue son cinéma : qu’est-ce qui est réel, qu’est-ce qui est rêvé, et qu’est-ce que nous, spectateurs, voyons exactement ? Délicatesse, digressions subtiles, douce mélancolie animent ce film magnifiquement incarné par Kim Min-hee, qui a reçu un prix d’interprétation au festival de Berlin pour ce film.

6. « Plaire, aimer et courir vite » de Christophe Honoré

Christophe Honoré livre un de ses films les plus personnels et le plus abouti. Abordant avec sincérité le thème de l’amour homosexuel, il en tire le récit émouvant d’une rencontre entre un jeune provincial en devenir et un homme écrivain parisien installé au temps du sida. Un beau mélodrame aux couleurs bleutées comme un blues.

7. « En liberté ! » de Pierre Salvadori

Tout un programme que Pierre Savadori exécute à la perfection. Rarement le cinéma français a réussi une comédie aussi burlesque, inventive, risquée. Une mécanique d’orfèvre, des situations déjantées, des dialogues improbables, une mise en scène poétique… Un régal. Le tout porté par trois acteurs formidables : la toujours somptueuse Adèle Haenel, le délirant Pio Marmai et l’étonnante Audrey Tautou.

8. « 3 bilboards, les panneaux de la vengeance » de Martin McDonagh

Satire vacharde et drame intime sur une trame de polar stylé, dans la lignée des frères Coen. Frances McDormand, rageuse et drôle, est déterminée à en découdre avec les bouseux d’une Amérique réactionnaire et raciste (Sam Rockwell et Woody Harrelson parfaits dans leur rôle). Intelligence et émotion, humour et violence, sont au programme de ce film réjouissant.

9. « La Forme de l’eau » de Guillermo del Toro

Un film enchanteur sur un amour improbable entre une créature aquatique et une jeune femme innocente. Un conte de fées magique en hommage aux BD des années 50.

10. « Les Frères Sisters » de Jacques Audiard

Un western crépusculaire en forme de conte fraternel  épaulé par la photographie sublime de Benoît Debie et un quatuor de comédiens extraordinaires. La quête hallucinée de deux ogres précipités au cœur d'une Amérique sur le point de perdre son innocence. Jacques Audiard nous livre un western psychanalytique, entre Eastwood et Tarantino.