Les vestiges romains de Jerash en Jordanie seraient un lieu très intéressant pour des visites enrichies par le storytelling
Il est possible d'obtenir un engagement fort des visiteurs de sites archéologiques avec du storytelling "émotionnel".
Comment ? La culture corrompue par du storytelling, la connaissance gâchée par l'émotion ? Oui, et ce sont même des scientifiques hautement respectueux du patrimoine qui en sont à l'origine.
C'est un travail d'étude universitaire mené sur l'Agora antique d'Athènes qui m'inspire cet article. L'étude a été menée par des chercheurs de l'Université d'Athènes et de Pise. Elle date de 2017 (publication dans le cadre de la Conférence internationale KAINUA 2017 dédiée aux espaces urbains de l'Antiquité), mais on n'en absolument pas parlé hors des milieux spécialisés. A tort.
Les chercheurs ont mené une expérience de storytelling sur téléphone mobile, spécialement conçue pour les sites archéologiques, les lieux mémoriels. Il s'agit notamment de ceux dont il ne reste que des vestiges très parcellaires difficiles à appréhender par les visiteurs. Ils se sont basés sur un programme européen de développement de ce type d'expériences, baptisé CHESS (clôturé en 2014) et sur le projet européen EMOTIVE, débuté en 2016 pour une durée de 3 ans.
Un prototype de dispositif storytelling sur mobile a donc été conçu. Il a inclus des contenus audio, vidéo, textes et images, organisés en récits. Des testeurs représentatifs ont
L'intérêt de ce storytelling mobile pour les sites patrimoniaux :
- Un nouveau type de public peut être touché, qui ne se sentira pas complexé voire rebuté par un manque de connaissances historiques
- De nouvelles connexions, pas uniquement intellectuelles, avec les sites archéologiques peuvent s'établir, parce que les visiteurs comblent les vides qui se présentent à eux (les parties disparues du site) par leurs propres perceptions, leurs propres expériences. Il s'agit de permettre la réalisation de connexions personnelles qui fassent sens pour les visiteurs quels qu'ils soient, avec les éléments du site.
Qu'est-ce qui a été déterminant pour les visiteurs exposés à ce dispositif de storytelling :
- La structure narrative, l'intrigue, et notamment l'utilisation de l'humour : ils ont généré de la curiosité et ont révélé des éléments du site auxquels les visiteurs ne s'attendaient pas. Dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont découvert que les visiteurs étaient en demande de ce genre de storytelling à fort contenu émotionnel. L'émotion dans l'histoire a été une clé de son efficacité. Avec des problématiques fortes qui parlent à tout le monde : les histoires testées parlaient de vie, de mort, d'amour et de guerre.
- L'utilisation de genres narratifs variés : comédie, mystère, histoire romantique
- Ils sont essentiellement techniques : au niveau du mapping physique sur le site, pas vraiment en interaction avec le dispositif mobile, l'absence de véritable intégration d'une géolocalisation qui aurait pu être utile pour guider les visiteurs. Bref : le concept, c'est bien, mais il faut s'assurer que la technique suive
- La possibilité de donner davantage de choix aux visiteurs, d'obtenir plus d'informations sur des points précis : davantage d'opportunités de customisation, donc, de parcours individualisables
- Des histoires non-linéaires : les visiteurs-expérimentateurs ont particulièrement apprécié de pouvoir jouer aux voyageurs dans le temps en pouvant passer d'une partie à l'autre de l'histoire dans un ordre non chronologique
- Des histoires avec des personnages historiques réels, avec, aussi, des personnages empathiques tels que des enfants ou un narrateur archéologue contemporain
- Des histoires durables : qui peuvent être vécues avant, pendant et après la visite
Quels sont les points de progrès ?
Une belle expérience riche d'enseignements, donc : rien de révolutionnaire, mais une confirmation scientifique d'éléments dont on pouvait se douter
Et pour expérimenter le storytelling de manière plus approfondie