Théâtre des Champs Élysées
Le 24 janvier 2019
Le titre de ce concert est « Alisa Weilerstein enchante Saint-Saëns » et c’est le fil conducteur de ce concert, l’enchantement dû au violoncelle, mais aussi aux violons, emmenés par l’Orchestre de chambre de Paris, sous la direction inspirée et énergique de Douglas Boyd.
Les œuvres présentées sont de Chostakovitch, la Symphonie de chambre op. 110a (d’après le Quatuor n°8 en ut mineur op. 110, transcription pour orchestre à cordes de Rudolf Barshaï) ; de Saint-Saëns Concerto pour violoncelle et orchestre n° 1 en la mineur, op.33 ; de Schnittke Moz-Art à la Haydn, op. 60 et enfin de Mozart Symphonie n° 35 en ré majeur « Haffner », K. 385
La Symphonie de chambre op. 110a (d’après le Quatuor n°8 en ut mineur op. 110) de Chostakovitch (1906-1975) sous-titré « À la mémoire des héros de la Grande Guerre patriotique », le Quatuor n° 8 fut inspiré à Chostakovitch par les destructions de la ville de Dresde en février 1945 et il porte aussi la trace de ses angoisses contre l’oppression du régime soviétique. La transcription du Quatuor pour orchestre de chambre comporte cinq mouvements joués sans interruption, reprenant de nombreux morceaux antérieurs.
Le Concerto pour violoncelle et orchestre n° 1en la mineur op.33 de Saint-Saëns (1835-1921) porte la marque de la débâcle de Sedan et de l’humiliation française de 1870 qui provoquèrent un véritable traumatisme dans la société française. Saint-Saëns participa aux combats avant de s’exiler en Angleterre. En 1872 il composa ce concerto impressionnant par son énergie et l’impression d’unité de l’ensemble. On y trouve l’influence de son modèle reconnu : Beethoven. Ce concerto, l’une des grandes pages du romantisme, virtuose, à la structure précise donne l’occasion à la soliste américaine, Alison Weilerstein de montrer l’intensité de son jeu, une sensibilité et un engagement sans réserve.
Moz-Art à la Haydn, pour deux violons, deux petits orchestres à cordes, contrebasse et chef d’orchestre, op. 60 de Schnittke (1934-1998) est inclassable, tant l’écriture est éclectique, nourrie de styles hors de toutes frontières et époques. De culture germanique, Schnittke est nourri de culture juive et russe et son œuvre rend hommage à Prokofiev, Chostakovitch, Bruckner mais il a des liens aussi avec le langage sériel, les écoles hongroises de Bartók …..
Plus qu’une parodie il s’agit là d’un « jeu musical ». On commence par un murmure qui continue en un jeu de tensions, d’élans, de cris et d’effets d’une étrange beauté, mené par des musiciens qui, à la fin, quittent petit à petit la salle tout en jouant.
La Symphonie n° 35 en ré majeur « Haffner » K. 385 de Mozart (1756-1791) est une commande de Léopold Mozart. Pressé par son père de composer une nouvelle symphonie alors qu’il est en train d’achever L’Enlèvement au sérail, Mozart ne livre que 4 mouvements de l’œuvre en précisant que « le premier mouvement doit être joué avec grand feu et […] le finale doit être donné aussi vite que possible ». Débutant par un morceau plein d’énergie rappelant le style de Haydn, il enchaîne avec un andante proche d’un aria d’opéra, puis une danse de cour élégante et enfin un finale d’une virtuosité vibrante appuyée sur les violons.
Ce concert est véritablement un « enchantement » tant par la diversité des inspirations des œuvres proposées, l’invention mélodique, le sens compact de la structure que par les épisodes virtuoses menés par la fougueuse Alisa Weilerstein qui, très applaudie, offre au public un bis emprunté à une suite pour violoncelle de Bach. Envoûtant.