Le premier western de l’histoire du cinéma !
Salut Billy et bienvenue au 7ème Café ! Aujourd’hui je te sers un petit Expresso, une nouvelle rubrique du blog consacrée aux courts-métrages. Et après La Ballade de Buster Scruggs et Les Huit Salopards, on va rester dans les westerns ; et pas n’importe quel western ! Voici Le Vol du Grand Rapide (« The Great Train Robbery » en anglais), un film de 12 minutes réalisé par Edwin S. Porter en 1903 pour les studios de Thomas Edison et majoritairement considéré comme le tout premier western de l’histoire du cinéma. 3, 2, 1, attention au départ !
1903. C’est difficile de s’imaginer que le film que tu es en train de regarder a été tourné il y a 116 ans. 116 ans, c’est l’âge de la doyenne de l’Humanité Kane Tanaka à l’heure où j’écris ces lignes. Quand même ! Le 7ème Art était encore balbutiant, et pourtant à bien des égards Le Vol du Grand Rapide est extrêmement moderne pour son temps.
Déjà, le film est un des tous premiers à avoir une structure narrative, en Amérique du moins, puisque notre Georges Méliès national – entre autres – s’était déjà essayé à l’exercice, avec le célèbre Voyage dans la Lune en 1902 par exemple. Il n’en reste pas moins que Le Vol du Grand Rapide est un récit complet et construit, utilisant même des techniques d’actions parallèles avec ce qui se passe du côté de différents personnages en même temps. On suit un groupe de bandits forçant un opérateur de télégraphe à stopper un train dans une gare, pour organiser un hold-up et dévaliser les passagers. Mais une fois les bandits à bord du « Grand Rapide » du titre, l’opérateur va se libérer et aller chercher les shériffs pour une grande confrontation finale. Mine de rien, Ed Porter posait ici les bases des premiers grands westerns, en s’inspirant des réels méfaits des bandits de grand chemin.
Techniquement parlant, le court-métrage est aussi révolutionnaire en ce sens qu’il introduit des nouvelles façon de faire un film. Par exemple, au lieu de se cantonner à la caméra fixe qui est un des fondamentaux du cinéma d’antan, le réalisateur utilise à deux reprises des mouvements de caméra pour des plans pseudo-panoramiques. Son œuvre se caractérise aussi par un tournage in situ et dans de multiples lieux différents, comme des voies de chemin de fer ou une forêt, quand la majorité des premiers films se tournaient en studio. Plus impressionnant encore pour l’époque est l’usage du montage, qui lie pas moins de 14 scènes différentes entre elles et permet un tour de passe-passe dans une scène où un acteur est remplacé par un mannequin pour être jeté du toit du train. Il faut aussi noter que Le Vol du Grand Rapide a été peut-être le tout premier blockbuster, puisqu’il a coûté la somme faramineuse de 150$ à produire (soit 4183$ aujourd’hui, ce qui est énorme pour 1903) et qu’il a été projeté pendant toute l’année 1904 et même dans les premières vraies salles de cinéma dès 1905.
Mais ce qu’il y a de plus mémorable dans Le Vol du Grand Rapide, c’est sa séquence finale de 17 secondes. Justus D. Barnes, en tenue de gangster du Far West, regarde droit vers la caméra et vide son six-coups droit sur le spectateur jusqu’à ce que son barillet soit vide. Et si ça te rappelle quelque chose, c’est peut-être parce que la légende raconte que c’est ce plan qui aurait inspiré le fameux plan d’ouverture des films de la saga James Bond où ce dernier abat la caméra. Pourtant c’est un plan qui paraît tout bête, mais en terme de mise en scène, de cadrage, de qualité cinématographique, il est époustouflant et marque fortement l’esprit ! On dit même qu’il a effrayé les spectateurs qui l’ont vu quand il est sorti, à la manière du train de L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat en 1895. Ce n’est peut-être pas vrai, mais en tous cas ça me plaît de l’imaginer !
— Arthur