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La Providence est une péniche – et Simenon écrit le roman, comme d’autres, à bord de l’Ostrogoth sur lequel il navigue entre fleuves et canaux. Il a dû, forcément, passer des écluses comme celle de Dizy, dans la Marne. L’écluse 14, qui donne son titre au premier chapitre pour situer le terrain, terrestre et aquatique à la fois, ou plus exactement à mi-chemin entre les deux. Le commissaire Maigret, pour se rendre d’une écluse à une autre, utilisera souvent un vélo. Parfois à la limite de ses capacités physiques, d’ailleurs : « Maigret commençait à adopter le mouvement de droite à gauche et de gauche à droite du cycliste fatigué. » On le comprend, car il en oublie même, ce n’est pas vraiment son genre, la soif : « Il venait de parcourir cinquante kilomètres sans même boire un verre de bière. » Une femme est morte, il pleut et les moyens particuliers de communication utilisés par les bateliers ne simplifient pas une vision globale de la situation : entre les éclusiers qui restent sur place et les navigants qui, eux, par nature, bougent, les messages se transmettent de loin en loin, au hasard de rencontres qui ne sont, ceci dit, pas toujours de hasard. Car les habitudes font que, si Untel est passé ici il y a un certain temps, il sera là à telle heure. Tandis que Maigret se balade de lieu en lieu sans tout comprendre de ce fonctionnement, attrape un bout l’information quelque part, la recoupe ou l’infirme plus loin, revient sur ses pas – ou plutôt sur les traces de ses roues –, bref, il patauge. « On se demandait quelle était son idée et en réalité il n’en avait pas. Il n’essayait même pas de découvrir un indice à proprement parler, mais plutôt de s’imprégner de l’ambiance, de saisir cette vie du canal si différente de ce qu’il connaissait. » Il s’agit, bien davantage encore que de découvrir l’auteur du crime, de comprendre un monde et les clefs de celui-ci ne sont pas offertes au premier venu. Il n’empêche : à petits pas, l’énigme aussi bourbeuse et opaque semblait-elle être, livrera ses secrets. Avec une montée de la tension qui se révèle à travers les dialogues autant que par les attitudes de Maigret, curieux de tout au point de départ et focalisant progressivement son regard sur les éléments qu’il pressent être pertinents pour son enquête. Pas trop de logique là-dedans, deux corps (car au premier s’en est ajouté un autre) qui ne parlent guère mais finiront par en dire long…