Jason Evangelho, journaliste du magazine Forbes, annonçait le 15 janvier se lancer dans un challenge de deux semaines d’utilisation exclusive de la distribution GNU/Linux elementary OS. Il nous propose de l’accompagner dans cette « expérience communautaire », comme il dit, par un récit circonstancié publié au fur et à mesure sur le le site de Forbes et mais aussi avec la mise en place d’un canal de discussion sur Telegram.
La méthode mise en place par Jason Evangelho – pour aboutir à une évaluation « sincère » comme il dit – étant de ne faire aucun bidouillage (tweak) du système et d’utiliser exclusivement les applications développées spécifiquement pour l’environnement elementary OS et présentes dans son centre d’applications (AppCenter).
Je ne vais pas résumer en détail chaque épisode (je laisse à chacun le plaisir de la découverte), mais juste m’attarder sur deux ou trois points qu’il soulève au cours de la première semaine de son challenge , et qui rejoignent d’une certaine façon mon propre parcours d’évaluation de cette distribution GNU/Linux assez atypique.
La disparition du bouton de minimisation
Comme chacun le sait, le bouton de minimisation, situé dans la barre supérieure de la fenêtre de chaque application, permet de réduire celle-ci dans le dock, ou la barre d’état du bureau, sans quitter l’application. C’est pratique. Et c’est présent depuis si longtemps sous Windows, MacOS et presque l’ensemble des environnements de bureau libres (Freedesktop).
La disparition de ce bouton dans l’interface graphique d’elementary OS sonne donc comme une sorte d’hérésie. Pour certain même, comme le signe, ou plutôt un signe supplémentaire, du caractère inutile et/ou nuisible de cette distribution.
J’avoue moi-même avoir été perturbé (si ce n’est agacé) lorsque j’ai cherché pour la première fois ce fameux bouton et que j’ai du admettre qu’il n’était tout simplement plus là. Pour autant, Jason Evangelho, qui aborde le sujet dans le troisième épisode de sa série, aboutit à une réflexion qui s’avère au fond pleine de bon sens et que je partage assez :
Est-ce vraiment important ? Sommes-nous trop habitués à ce à quoi nous sommes habitués ? Pensez-y bien. J’ai un tas de fenêtres ouvertes et je veux en minimiser une. L’icône toujours visible dans le dock n’est-elle pas un point de référence bien plus évident que de devoir naviguer vers un petit bouton de minimisation placé sur la fenêtre elle-même ?
Première remarque — La disparition du bouton de minimisation n’est en fait pas la disparition de la minification en soit. Il reste possible de minimiser une fenêtre out simplement en cliquant sur l’icône de son application dans le dock.
Seconde remarque — Ce choix de la disparition du bouton de minimisation est parfaitement délibéré de la part des développeurs d’elementary OS. Il ne s’agit pas d’un caprice de designer, mais en fait le produit d’une réflexion assez avancée, et de longue date, sur l’ergonomie et le design de l’interface utilisateur du système et de ses application. Une réflexion qui aboutit à la recherche d’un environnement simplifié, voir minimaliste, pour être léger, accessible et d’une utilisation intuitive.
C’est de cette logique que procède aussi, par exemple, la disparition des menus déroulants, l’introduction d’une fonction de recherche intégrée au menu des applications, l’absence d’un thème sombre, ou encore la définition d’un appareillage puissant de raccourcis claviers. Autant de choses qui font dire à Jason Evangelho qu’elementary OS a un caractère « restrictif revigorant ».
Ne plus bidouiller pour utiliser
Utiliser elementary OS en venant d’un autre système (MacOS ou Windows), et même d’une autre distribution GNU/Linux, est sans nul doute perturbant. Il y a dans l’équipe elementary OS une telle volonté de remettre en cause certaines lieux communs du design UI/UX.
Dans le cinquième épisode de sa série Jason Evangelho fait ainsi le constat suivant :
Au cours de ma première semaine d’utilisation d’elementary OS, je me suis sentie incroyablement confiné. Entravé par des choses comme l’absence de bouton de minimisation, de mode sombre et de moyen évident d’ajouter de nouveaux thèmes. Je suis toujours enthousiaste à l’idée d’apprendre de nouveaux flux de travail et de découvrir les recoins les moins connus d’un nouveau système d’exploitation. J’adore avoir la possibilité de bidouiller, et de bidouiller, et de bidouiller, et encore de bidouiller. Puis je réalise que je me suis enfermé dans la personnalisation, je me suis laissé distraire par l’infinité des choix possibles. Cette impossibilité procéder ainsi de façon immédiate dans elementary OS est son plus grand défaut pour certains, et pour d’autres sa plus grande qualité.
Tout comme Jason Evangelho je me suis aperçu qu’après avoir été bousculé dans mes habitudes, dérouté par des choix radicaux d’interface, à peine quelques jours ont été nécessaires pour m’approprier ce nouvel environnement de travail et à en apprécier le caractère finalement très fonctionnel… Et juste tout simplement l’utiliser sans ne plus y penser.
Peut-être que je finirai par l'abandonner sur le bord de la route. Peut-être que je finirais par retourner à Ubuntu ou essayer quelque chose de complètement différent. Mais au bout du compte, j'apprécie vraiment ce que cette équipe essaie de faire.
La force de GNU/Linux (et au-delà de tous les systèmes informatiques libres) n’est-elle pas, justement, de ne pas imposer un environnement graphique unique, une seule et même expérience utilisateur et utilisatrice normée. En d’autres termes de ne pas imposer un seul et unique modèle d’usage.
L’exploration d’elementary OS par Jason Evangelho est aussi là pour le rappeler.
Les épisodes du challenge :
- Introducing The elementary OS Linux Community Challenge
- Filling In The Audio App Gap
- We Need To Talk About Minimizing Windows
- Rejecting The Dark Side
- How I Learned To Stop Tweaking And Love The Workflow
Image : « Manchots empereurs », aquarelle par Navallo (licence Pixabay) Tags :#gnulinux #elementaryos #opensource #libre