Les filles du chant sont venues: -"Veux-tu de nous? Nous sommes nues, nos lèvres sentent la lavande..."
-Je songe aux ravins de Finlande où dorment des soldats de gel...
Les vierges de sel du poème m'ont dit: -"Il est temps qu'on nous aime! Nous sommes nues sous la peau."
- Je songe aux forçats d'Allemagne: ils sont maigres sous le fouet...
Les douces mères du sommeil me choient: "Couche-toi! Les orteils dressés vers la pointe du somme. La belle au bois qui dort dans 1'homme ne se nourrit que de baisers..."
-Je songe aux énormes brasiers qui brûlent autour de la terre...
La vieille édentée de la mort m'a dit: - "Chaque cheval a son mors. Ton lot sur terre est la mort lente. Que ça te déplaise ou non, chante! Nul être n'a droit au merci... A quoi penses-tu, ombre vague?"
- O très chère, je songe à Prague ! Je n'entends pas, je n'entends plus les prières de ses synagogues...
(1943)
Benjamin Fondane