"Bach et l'Italie", Damien Guillon, Le Banquet Céleste, à La Passerelle Scène Nationale de Saint-Brieuc, le 25 janvier 2019
En 1736, Giovanni Battista Draghi, plus connu sous l'identité de Pergolesi, malade s'était déjà retiré au monastère des Capucins de Puzzuoli . C'est probablement le duc dei Carafa Maddaloni qui lui commande une dernière oeuvre, un nouveau 'Stabat Mater', pour remplacer celui de Scarlatti, jugé démodé.
Le natif de Jesi y jette ses dernières forces et l'hymne catholique devient, à titre posthume, son travail le plus glorieux.
Dans cette période pénible, Pergolesi composa également 4 cantates et son célèbre 'Salve Regina'.
Le Stabat Mater du jeune homme atteint de phtisie a suscité de nombreuses adaptations ( des parodies, sans le sens humoristique que l'on donne au terme ces jours-ci) , celle de Johann Sebastian Bach est assurément la plus célèbre, il a repris les thèmes dans la cantate Tilge, Höchster, meine Sünden, BWV 1083 .
L' ensemble de musique ancienne, Le Banquet Céleste, créé par le contre-ténor de Rennes, Damien Guillon, tourne depuis plusieurs années avec le projet 'Bach et l'Italie', ce soir l'ensemble, au répertoire baroque, jouant sur des instruments anciens, s'arrête à La Passerelle de Saint-Brieuc, dont les sièges sont quasi tous occupés à 20:30'.
Un éclairage vermillon illumine la scène, les musiciens ( Marie Rouquié et Simon Pierre, violons/ Patricia Gagnon, alto/ Hager Hanana, violoncelle/ Christian Staude, contrebasse/ André Henrich, luth et Kevin Manent-Navratil, clavecin et orgue), tous de noir vêtus, ce qui a beaucoup plu à Henri Beyle, prennent place et s'accordent, Damien Guillon ( le directeur musical) leur fait face, quelques instants plus tard, la longiligne soprano d'origine belge, Céline Scheen se profile.
La concentration est extrême, Damien Guillon donne le signal, l'allumage est confié aux violons qui , en mode velouté, attaquent le 'Salve Regina' de Giovanni Battista Pergolesi.
Le soprano impressionnant de Céline Scheen se greffe sur l'orchestration subtile de l'ensemble, Marie, là-haut, écoute, ravie, l'hommage en cinq mouvements que lui rend l'orchestre baroque.
L'éloquence, l'aisance et la passion dont font preuve la cantatrice, que ce soit dans le largo , Ad te Clamamus , dans le profond Eja ergo ou le courtois Et Jesum benedictum, captivent.
Le morceau achevé, le dirigeant et la soprano s'éclipsent, les musiciens entament une nouvelle séquence d'accordages, le concepteur lumière décide de changer de palette et opte pour le bleu azur,
Damien Guillon, réapparaît, il a laissé sa compagne dans les loges, le contre-ténor entame, en falsetto, la cantate sacrée 'Nisi Dominus' que Vivaldi composa pour l'Ospedale Santa Maria della Pieta . Antonio admirait le chant pur des jeunes filles séjournant à l'hospice .
La fraîcheur, la spontanéité et l'audace du Vénitien se retrouve dans l'allegro vivace ouvrant la pièce, les violons et la contrebasse sont au repos pour le largo qui suit ce premier mouvement, quand, d'un preste mouvement de main, le chanteur lyrique indique qu'il s'agit d'accélérer le tempo, bien vite un andante méandreux, fragile et aérien comble ta voisine de bonheur, par contre, un inattentif applaudit à mauvais escient alors que la cantate doit entamer un sixième mouvement.
Ce sacrilège n'émeut guère les exécutants qui avec brio achèvent le chant par le somptueux larghetto ' Gloria Patri', l'enthousiaste 'Sicut erat in principio' et l'Amen final.
Brillant !
Le contre-ténor fugue, les musiciens reprennent l'exercice d'ajustage avant le retour des solistes.
Le dirigeant rassure l'assistance car André Henrich, le luth de la Musikhochschule de Cologne, s'était dérobé.
Un malaise? Une pause pipi?
Mais non, une corde cassée!
Il reprendra sa place lors du second mouvement du " Psaume 51 "Tilge Höchster" que J S Bach a écrit en s'inspirant de Pergolesi.
.. Céline Scheen singt mit klarer, sauber intonierter Sopranstimme ohne unnötige Dramatisierung, Damien Guillons Alt strömt Wärme und Charakter aus. In virtuosen Passagen bewahren beide große Präzision und Genauigkeit. Einziges Manko ist bei beiden die Textverständlichkeit... se lisait en 2016 lors de la critique de l'album ( rbb Kulturradio ).
Qu'ajouter de plus?
Rien du tout, il suffit de fermer les yeux ( quoique tu risques d'ignorer toute l'intensité que met l'incomparable chanteuse dans ses mouvements de mains, ou dans les traits de son visage, lorsqu'elle exprime la douleur), et d'écouter religieusement.
Aucune fanfaronnade, mais des voix et des instruments mis au service d'une oeuvre précieuse et esthétique.
La salle, debout, fait un triomphe à l'ensemble qui reviendra plusieurs fois la saluer et proposera en rappel un verset lent du Psaume 51.
Oui, Maria?
"Bach et Vivaldi...Damien et Céline....merveilleux!"