Il devrait pourtant s'accorder une pause autour d'un "flonflons et paillettes" pour le lancement de "son" Union pour la Méditerranée (UPM) comme le fait remarquer le Nouvel Observateur qui ajoute que : "Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas le fond du projet qui intéresse les journaux, ce matin, mais bien le nom des participants à ce sommet ..."
En effet, qui sera présent sur "la photo immortalisant, dimanche 13 juillet, le lancement du grand dessein sarkozyen" Une quasi certitude: Kadhafi ne viendra pas.
Il l'a fait savoir par une déclaration qui n'augure rien de bon pour l'avenir du projet : "Si l'Europe veut coopérer avec nous, qu'elle le fasse avec la Ligue arabe ou l'Union africaine et nous ne prendrons en aucun cas le risque de déchirer l'unité arabe ou africaine » a-t-il poursuivi. Il a ensuite déclaré que l’ « Union pour la Méditerranée » était vouée à l’échec, tout comme le « processus de Barcelone » ou la politique de voisinage que maintient l’UE avec les pays du sud de la Méditerranée ... "
Mais, cette UPM est-elle vraiment un projet nouveau ?
Loin d’être novatrice, l’Union pour la Méditerranée se place en réalité dans la droite ligne du processus de Barcelone lancé en novembre 1995 par l’Union européenne (UE). Le partenariat Euromed (Euro-Méditerranée) dit aussi Processus de Barcelone a été créé en 1995 à Barcelone à l'initiative de l'Union européenne (UE) ainsi que dix autres États méditerranéens (l'Algérie, l'Autorité palestinienne, l'Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et la Turquie). La Libye avait un statut d'observateur jusqu'en 1999, mais depuis 2004, la normalisation des rapports avec l'UE prépare l'intégration de ce pays dans le processus de Barcelone. Depuis novembre 2007, l'Albanie et la Mauritanie sont membres de l'Euromed.
Les dix partenaires bénéficient de fonds de la Banque européenne d'investissement au sein du programme MEDA de développement méditerranéen.La possible perspective à très long terme serait le rattachement des dix pays à l'UE ou la création d'une Union méditerranéenne - Source Wikipedia
Bien qu’ayant à sa création un avenir important, le « processus de Barcelone » n’est pas parvenu à répondre aux grandes attentes jusqu’ici, étant donné le manque de volonté des voisins du sud de l’UE à coopérer les uns avec les autres. Comme lors de la création de toute nouvelle Union, une question restera en suspend : "l'Union pour la Méditerranée a-t-elle les moyens de ses ambitions ?" Or, il semble que ce volet soit quelque peu escamoté pour laisser place à ... l'apparence.
La France pensait en réalité obtenir la coprésidence de cette UPM mais la Commission Européenne de son côté a proposé la création d'un secrétariat chargé d'assurer le développement et le suivi des projets ainsi que d'un comité permanent de représentants européens et méditerranéens. Elle souhaite également la tenue de sommets bisannuels des chefs de gouvernement et la mise en place d'une coprésidence chargée de gérer ces sommets. Le choix des institutions de l'Union pour la Méditerranée sera une des questions sur lesquels les Chefs d'Etat ou de gouvernement des deux rives de la Méditerranée se pencheront lors du sommet du 13 juillet à Paris.
Escamotés aussi les concessions de la France à l'Allemagne
Henri Guaino élude de la façon suivante la question : Il rappelle que l'idée du projet initial de Nicolas Sarkozy, "a évolué" puisque selon certains Etats membres, elle risquait de diviser les Européens". Le projet initial a donc débouché sur l'accord franco-allemand qui vise à impliquer tous les pays européens dans cette Union. Source Toute L'Europe
Car, en réalité, la chancelière allemande a imposé au président français que l'Union pour la Méditerranée soit sérieusement recadrée. Angela Merkel ne voulait pas d'une Union pour la Méditerranée qui divise les Vingt-Sept. Elle a obtenu gain de cause : Nicolas Sarkozy a dû lui céder pour sauver leur couple.
D’abord, il excluait l’Allemagne et tous les pays de l’UE qui ne sont pas riverains de la Méditerranée, rompant ainsi avec le choix fondamental opéré dans les années 50 selon lequel il n’y aurait plus désormais qu’une seule et unique communauté stratégique franco-allemande. L’avenir de l’Europe ne se jouera pas seulement au sud, ni seulement à l’est. Il se jouera dans notre capacité à accompagner, dans une démarche commune, la démocratisation et le développement de tout notre voisinage - Source EURACTIV
La contrepartie de l'UPM sera en fin de compte la création d'une autre union tournée vers l'est et portée par les Polonais et les Suédois et baptisé Projet de Partenariat Oriental : Le projet de Partenariat oriental prévoit la création d'un forum de coopération régionale des pays de l'UE avec ses voisins de l'est, notamment avec l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan et l'Arménie, ainsi qu'avec la Biélorussie (au niveau des experts). Selon les auteurs du projet, sa réalisation doit déboucher sur l'abrogation du régime des visas entre l'Union européenne et les pays évoqués, ainsi que sur la création d'une zone de libre-échange de services et de marchandises.
Il ne faut pas que la "lassitude de l'élargissement" que connaît actuellement l'Union ne compromette les chances d'adhésion de ces pays, notamment de l'Ukraine et de la Moldavie a, en substance, expliqué à Bruxelles le ministre des Affaires étrangère polonais Radoslaw Sikorski. Sikorski a assuré que Varsovie et Stockholm espéraient un renforcement "idéologique" de la Politique européenne de voisinage (PEV, conçue en 2004 avec le but d'éviter l'émergence de nouvelles lignes de division entre l'UE élargie et ses voisins) Courrier international
Et là, on est bien obligé d'avoir le tournis !!! Car loin de résoudre les problèmes de l'Union européenne, on est en train de créer des prolongements infinis. C'est Sylvie GOULARD qui l'explique le mieux : "Les citoyens n’ont pas été consultés, ni impliqués. Comment imaginer de créer une deuxième « union », en 2008, sans vérifier que les citoyens en acceptent le principe, s’agissant notamment de pays qui accusent de graves retards en matière de droits de l’homme, de liberté religieuse, d’égalité hommes / femmes ? En privilégiant les rencontres au sommet, comme le sommet des 13 et 14 juillet 2008, les autorités françaises, loin de suivre la méthode communautaire, revenaient aux illusions intergouvernementales. Dans ces pays là, les gouvernements en place sont autant une partie du problème que leur solution. Mieux vaudrait travailler avec les sociétés, les ONG, les collectivités locales"
L'Union pour la Méditérranée va t-elle régler le problème de l'adhésion de la Turquie à l'UE ?
Nicolas Sarkozy l’avait annoncé dans son dernier débat télévisé: "La Turquie n’entrera pas dans l’Union européenne tant que je serai président de la République." Certains députés de sa majorité, emmenés par Frédéric Lefebvre et Patrick Devedjian, se sont donc inquiétés de l'"après-Sarkozy". Il faut dire que le projet de réforme de la constitution prévoit de supprimer l'obligation d'organiser un référendum pour valider l'entrée d'un nouveau pays dans l'UE, mise en place par Jacques Chirac.
Ils ont donc cherché un artifice pour maintenir ce dispositif, pour les pays dont "la très importante population peut changer la nature même de l’Union européenne et en modifier les équilibres dans les différentes institutions". Le 29 mai, les députés ont adopté par 48 voix contre 21 un amendement, porté par Richard Mallié (député UMP des Bouches-du-Rhône), porte-parole des 43 signataires, qui rend obligatoire le référendum pour l’entrée dans l’Union Européenne d’un pays représentant plus de 5% de la population totale.
La commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, saisie pour avis sur la réforme des institutions, a supprimé l'amendement adopté par les députés rendant obligatoire un référendum pour l'adhésion de la Turquie à l’UE. La Commission précise, dans un communiqué, que "le dispositif proposé par l'Assemblée nationale (...) pourrait paraître dirigé contre un Etat ami et allié de la France, en l'occurrence la Turquie" et était "susceptible de porter un grave préjudice aux relations diplomatiques entre la France et ce pays" - Source Bakchich
Donc le problème loin d'être contourné au travers d'un partenariat déguisé reste entier.
Quelles seront les implications pour les habitants des membres de l'UMP ?
Économiques tout d’abord, puique 2010, verra la construction d’un espace de libre-échange et de libéralisation de leurs marchés. Il y a tout lieu de s'attendre à des privatisations et dans la suite logique par la prise en main des entreprises Nord. Déja en retard de développement, ces pays risquent de connaître assez rapidement des difficultés sociales que connaissent les pays de l'UE : Licenciements, augmentation des inégalités, du prix des denrées, de l'habitat, des soins, ...
En bref, apporter le savoir faire de la Commission européenne dans les pays du Sud. A prévoir donc le financement du développement par le dumping entre pays et la mise en place de droits à minima.
Enfin, il n'y aura à nos yeux aucune fierté à tirer de cette manifestation lorsqu'on contemplera les chefs d'état qui seront présents sur la photo dont parle le Nouvel Obs. En effet, les atteintes aux droits humains, la torture, la répression des opposants, le musellement des libertés d’association et de presse, la mise en place de législations liberticides d’exception sont le lot quotidien des populations du sud de la Méditerranée.
Et ne venez surtout pas Monsieur le Président nous expliquer que comme la Chine, il est nécessaire de dialoguer pour améliorer les choses il est nécessaire de "valider" certaines situations ou dirigeants.
En fin de compte, ce que retiendra l'histoire, c'est que pour avoir validé l'idée d'un conseiller du prince, l'idée et la construction européenne risquent le chaos. Bonne photo Monsieur le Président ...
Crédit Photo
Rue89
Bibliographie
Processus de Barcelone
Sommet de Paris pour la Méditerranée