On aime les petites recommandations insensées de ce genre, comme celle que l'on pouvait lire dans le gatefold du premier album de Brainticket par exemple.
Paru sous différentes formes et pochettes pas toujours heureuses à travers le monde l'année de sa sortie et les suivantes, il y a sur la version canadienne les portraits et les noms de deux acolytes qui composent ce faux groupe qu'était les Maledictus Sound : Tony Roman et Jean-Pierre Massierra.
Qu'on ne s'y trompe pas : seul Massiera l'homme touche à tout est dépositaire du concept Maledictus Sound. C'est lui qui compose, arrange tout ; tandis que son comparse, producteur et chanteur reconnu canadien alias Antoine D'Ambrosio apporte sa caution au label Canusa dont il est lui-même fondateur et auquel l'on doit cette fameuse pochette. Autour de lui, des grognards tels le batteur André Ceccarelli qui des groupes yéyé à Martial Solal et autre jazzmen a joué avec à près tout le monde.
Mais au fait, qui était Jean-Pierre Massiera ?
Musicien de séances très fécond, Jean-Pierre Massiera est un musicien accompli qui dès les années 60 et plus encore lors des fertiles années 70 traîne sa guitare et ses guêtres dans tout ce que la Côte d'Azur compte de studios. Musicien insaisissable, la légende sans doute vraie pour une fois, rapporte que notre homme au pic de sa carrière jouait et enregistrait toutes les nuits que Dieu fait et n'était pas loin d'enregistrer une séance par jour, comme autant d'albums enregistrés.
Au-delà de son statut d'indéboulonnable session man, Massiera développera parallèlement une foultitude de projets qui de L'Empreinte à Visitors en passant par ce mythique Maledictus Sound et tant d'autres, assouviront sa soif de musique. Pop, psyché, musique progressive et concrète sont au menu de ce premier et unique album des Maledictus Sound.
Dans cette auberge espagnole, l'on trouve de tout et parfois du n'importe quoi : du kazoo et des voix de chipmunks assez énervantes ("The whistler " et surtout les idiots "Am stram gram" et le bien-nommé "Stupidly made in Gaulle"), des morceaux bien inoffensifs voire dénués d'intêret ("Dark circus", "Heathcliff.."); mais c'est aussi le lot de moult compositeurs de l'époque qui y vont de leur album solo. L'on trouve les mêmes tics et erreurs d'appréciation sur certaines plages de Michel Colombier, du Baron, de Jason Havelock, l'avatar d'Eric Demarsan, de Roubaix en mode Chapi Chapo, bref, ce côté compilation qui entache quelquefois certains disques mythiques.
Mais au milieu des perles tels le groovy "Kriminal theme" et ses cuivres très straight qui fait plus que loucher du côté des bleeps de Pierre Henry, "Radio Pirat Program" et son rythme ridiculement accéléré lors du mix, car autrement inhumain et absurde à tenir. Il y a aussi l'incroyable hymne à la F1, ce "Jim Clarck was driving recklessly", tout de fuzz et de basse limite infra qui avance à tombeau ouvert dans un virage et un vertige des sens. Puis "Transfer from modulation", très classe possible bande-son swing qui s'emballe sur son troisième thème. On pourra extraire aussi du lot l'infernal "Monster cocktail" qui parfait miroir à "Kriminal Theme" clôture le disque en citant de manière hallucinée les monstres tueurs de la littérature gothique..
Et puis on ne peut passer décemment sous silence le fabuleux "Concerto genocide". Avec cet instru princier aussi bon qu'un thème de Loussier ou de Bolling, Massiera fait d'un disque inégal et parfois décousu, un must have, un pur classique que les anglosaxons jalouseront inévitablement.
En bref : naviguant entre le n'importe quoi, de l'instrumental anecdotique au très bon voire au génial, ceci est l'un des multiples projets du plus fécond de nos musiciens de séance. Accessoirement un très bon compositeur.,