Mais qu’est-ce donc qui parfois nous arrête au milieu d’une rue inconnue ou devant une vieille maison ? Quel souvenir s’y cache ? Qui cherchons-nous ?
D’autres fois sous un pont ou derrière un rideau on se sent vivre de façon plus vraie —
choses que tu plus tard tu paieras de ton âme.
Jusqu’au matin où dans le jardin s’élevait le premier chant d’oiseau. Printemps.
Ma mère changeait de chapeau, la jeune bonne montait pleurer au grenier et le grand-père oubliait de lire sa Bible…
Je suis maintenant assis dans le vieux rocking-chair qui a bercé trois générations. Tous ces gens, où sont-ils partis ?
Toute ma vie n’était plus que le souvenir d’un rêve
à l’intérieur d’un autre rêve. Et quand Anna riait on eût dit qu’elle lançait des fleurs de jasmin
qui éclairaient un instant la nuit.
Je me souviens d’avoir écrit enfant mon premier vers.
Depuis je sais que je ne mourrai jamais —
en mourant tous les jours.
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Tàssos Livadìtis (1922-1988) – Anthologie de la poésie grecque contemporaine, 1945-2000 (Poésie/Gallimard, 2000) – Préface de Jacques Lacarrière – Traduit du grec par Michel Volkovitch.
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