La méditation est au cœur de la vie intérieure.La méditation est un exercice de l'attention. Elle ne se définit pas par une posture ou la fermeture des yeux.Mais attention à quoi ?La pratique dans la vie quotidienne consiste à faire attention à l'espace dans lequel baignent les sensations et les perceptions. Fermez les yeux quelques instants. Vous sentez votre corps, n'est-ce pas ? Mais il n'a presque rien à voir avec votre corps "public", tel que les autres peuvent le voir, car il est transparent, spatial, parcouru de sensations rarement localisées ou délimitées de façon précise.La pratique dans la vie quotidienne peut aussi consister à faire attention à l'instant présent : habiter ce qui se présente, ne peut fixer toute son attention sur le passé et l'avenir.Cependant, ces pratiques sont étranges, car rien ne sort jamais de l'espace, ni du présent. Pouvez-vous imaginer un objet qui ne soit pas dans l'espace ? Quelle taille aurait cet objet ? Dans quoi s'étendrait-il ? Essayez de vous représenter quelque chose qui n'apparaisse pas dans le présent. Si cela se présente, quand cela se présente t-il, si ce n'est maintenant ? Même une image du passé ou de l'avenir se présentent nécessairement maintenant, n'est-ce pas ?L'espace et le présent sont les équivalents sensoriels de la Lumière consciente : ce sont des conditions de possibilité de l'expérience. Rien n'existe sans eux, en dehors d'eux. Ils sont toujours déjà là. Si cette tasse existe, elle existe nécessairement dans l'espace, maintenant, manifestée par la Lumière consciente.On comprend alors l'intérêt de réaliser qu'ils sont toujours présents. Cette assurance bouleverse notre sens de l'identité : -Je ne suis pas un corps dans le monde, mais l'espace dans lequel apparaissent le corps et le monde. -Je ne suis pas un corps dans le temps, mais le présent dans lequel se succèdent les formes du corps et du monde. -Je ne suis pas une conscience dans un corps, mais la Lumière qui illumine les corps.Mais alors pourquoi s'exercer à faire attention à ce qui, de toutes façons, est toujours présent ? Si j'existe, pourquoi ferai-je un effort pour exister ? Cela paraît presque stupide. Un peu comme l'injonction de Nietzsche "Deviens qui tu es". Pour qu'elle prenne un sens, il faut alors l'interpréter. "Être dans le présent" semble donc une injonction inutile et impossible à première vue, car le présent, comme l'espace et la conscience, est insaisissable et toujours présent. Qui peut attraper l'espace ? Qui peut retenir le présent ? Qui peut éclairer la Lumière consciente ? Et puis c'est inutile, car tout est dans l'Espace, dans le Maintenant, dans la Lumière, qui de fait sont un seul et même mystère, une seule et même évidence."Être dans le présent" ou "être conscient" ou "être espace" ne signifie donc pas saisir le présent, la conscience, l'espace. Cela veut dire plutôt "ne pas se laisser distraire par des aspects" du présent, de la conscience ou de l'espace. N pas se laisser prendre par des contenus, en particulier par des signes. Méditer, c'est alors entraîner l'attention à rester ouverte, fluide, sans se laisser emporter par tel ou tel objets porteur du pouvoir de signifier.Certains objets sont plus distrayant que d'autres. Pourquoi ? Parce qu'ils sont des signes, des objets qui ont le pouvoir (assez mystérieux il est vrai) d'envoyer l'attention vers autres chose qu'eux. C'est vrai pour les mots et les signes conventionnels, mais pas seulement. Observez ce qui se passe avec un visage, avec un regard... Très difficile de plonger l'attention dans un regard en voyant seulement des yeux, des formes et des couleurs. L'attention est emportée de force vers d'autres choses. Il est alors presque impossible de rester dans la perception pure. C'est pourtant la pratique de la méditation.Même si l'attention vagabonde d'objets en objets, comme un singe saute de branche en branche, il faut garder l'attention ouverte. La conscience est comme un soleil. L'attention portée à ce visage ou ces signes doit être comme un rayon. C'est un rayon du soleil qui entre dans cette pièce, et non pas le soleil entier. De même, l'attention aux signes (c'est-à-dire le jeu du mental) doit n'être qu'une partie du jeu plus vaste de la Présence, de la conscience éveillée, ouverte. Il faut s'exercer à garder une présence vaste, comme un regard panoramique. Concrètement, c'est plus facile en gardant l'attention sur la sensation du corps, ou sur une partie du corps. Par exemple : s'arrêter fréquemment au long de la journée pour se donner à la sensation du ventre. Une tension se révèle généralement, puis elle "fond" doucement à la lumière de l'attention. On s'accoutume ainsi au silence intérieur et à la sensation d'un ventre détendu. Quand on entre en relation avec des signes, avec les autres, on garde une partie de l'attention sur la sensation du ventre détendu. Cela suffit.Donc on ne fait pas d'effort pour "être", mais seulement pour être présent à l'être. Car même si "je suis" l'Être, l'Être possède un pouvoir de se distraire de lui-même, de se perdre dans ses créations, pouvoir que l'on pourra nommer "mental", "conscience", "mâyâ", "illusion", "shakti", "liberté", peu importe. Mais c'est l'existence de ce pouvoir de se décaler de soi tout en restant soi, qui justifie une pratique d'attention, une pratique de méditation. La compréhension globale ne suffit pas, même si elle est profonde. Cet éveil doit ensuite être stabilisé, c'est-à-dire que l'attention doit être stabilisée. Voilà pourquoi, même dans des approches "non-dualistes" comme le shivaïsme du Cachemire ou le Dzogchen, une discipline est nécessaire, même si l'Espace, le Maintenant et la Conscience sont toujours déjà présents. La conscience doit apprendre, ou réapprendre, à ne pas se laisser hypnotiser par les objets. L'attention est comme un rayon de lumière qui doit pouvoir agir sans que la conscience tout entière soit emportée. Il devient alors possible de vivre la paix profonde dans les situations pratiques. Autrement, même si l'on a une intuition profonde et vraie que "tout est dans la conscience", le quotidien restera séparé de notre vie intérieure ou de notre "éveil".L'un des noms de cette discipline de l'attention est Smara Yoga, le yoga de l'attention.
La méditation est au cœur de la vie intérieure.La méditation est un exercice de l'attention. Elle ne se définit pas par une posture ou la fermeture des yeux.Mais attention à quoi ?La pratique dans la vie quotidienne consiste à faire attention à l'espace dans lequel baignent les sensations et les perceptions. Fermez les yeux quelques instants. Vous sentez votre corps, n'est-ce pas ? Mais il n'a presque rien à voir avec votre corps "public", tel que les autres peuvent le voir, car il est transparent, spatial, parcouru de sensations rarement localisées ou délimitées de façon précise.La pratique dans la vie quotidienne peut aussi consister à faire attention à l'instant présent : habiter ce qui se présente, ne peut fixer toute son attention sur le passé et l'avenir.Cependant, ces pratiques sont étranges, car rien ne sort jamais de l'espace, ni du présent. Pouvez-vous imaginer un objet qui ne soit pas dans l'espace ? Quelle taille aurait cet objet ? Dans quoi s'étendrait-il ? Essayez de vous représenter quelque chose qui n'apparaisse pas dans le présent. Si cela se présente, quand cela se présente t-il, si ce n'est maintenant ? Même une image du passé ou de l'avenir se présentent nécessairement maintenant, n'est-ce pas ?L'espace et le présent sont les équivalents sensoriels de la Lumière consciente : ce sont des conditions de possibilité de l'expérience. Rien n'existe sans eux, en dehors d'eux. Ils sont toujours déjà là. Si cette tasse existe, elle existe nécessairement dans l'espace, maintenant, manifestée par la Lumière consciente.On comprend alors l'intérêt de réaliser qu'ils sont toujours présents. Cette assurance bouleverse notre sens de l'identité : -Je ne suis pas un corps dans le monde, mais l'espace dans lequel apparaissent le corps et le monde. -Je ne suis pas un corps dans le temps, mais le présent dans lequel se succèdent les formes du corps et du monde. -Je ne suis pas une conscience dans un corps, mais la Lumière qui illumine les corps.Mais alors pourquoi s'exercer à faire attention à ce qui, de toutes façons, est toujours présent ? Si j'existe, pourquoi ferai-je un effort pour exister ? Cela paraît presque stupide. Un peu comme l'injonction de Nietzsche "Deviens qui tu es". Pour qu'elle prenne un sens, il faut alors l'interpréter. "Être dans le présent" semble donc une injonction inutile et impossible à première vue, car le présent, comme l'espace et la conscience, est insaisissable et toujours présent. Qui peut attraper l'espace ? Qui peut retenir le présent ? Qui peut éclairer la Lumière consciente ? Et puis c'est inutile, car tout est dans l'Espace, dans le Maintenant, dans la Lumière, qui de fait sont un seul et même mystère, une seule et même évidence."Être dans le présent" ou "être conscient" ou "être espace" ne signifie donc pas saisir le présent, la conscience, l'espace. Cela veut dire plutôt "ne pas se laisser distraire par des aspects" du présent, de la conscience ou de l'espace. N pas se laisser prendre par des contenus, en particulier par des signes. Méditer, c'est alors entraîner l'attention à rester ouverte, fluide, sans se laisser emporter par tel ou tel objets porteur du pouvoir de signifier.Certains objets sont plus distrayant que d'autres. Pourquoi ? Parce qu'ils sont des signes, des objets qui ont le pouvoir (assez mystérieux il est vrai) d'envoyer l'attention vers autres chose qu'eux. C'est vrai pour les mots et les signes conventionnels, mais pas seulement. Observez ce qui se passe avec un visage, avec un regard... Très difficile de plonger l'attention dans un regard en voyant seulement des yeux, des formes et des couleurs. L'attention est emportée de force vers d'autres choses. Il est alors presque impossible de rester dans la perception pure. C'est pourtant la pratique de la méditation.Même si l'attention vagabonde d'objets en objets, comme un singe saute de branche en branche, il faut garder l'attention ouverte. La conscience est comme un soleil. L'attention portée à ce visage ou ces signes doit être comme un rayon. C'est un rayon du soleil qui entre dans cette pièce, et non pas le soleil entier. De même, l'attention aux signes (c'est-à-dire le jeu du mental) doit n'être qu'une partie du jeu plus vaste de la Présence, de la conscience éveillée, ouverte. Il faut s'exercer à garder une présence vaste, comme un regard panoramique. Concrètement, c'est plus facile en gardant l'attention sur la sensation du corps, ou sur une partie du corps. Par exemple : s'arrêter fréquemment au long de la journée pour se donner à la sensation du ventre. Une tension se révèle généralement, puis elle "fond" doucement à la lumière de l'attention. On s'accoutume ainsi au silence intérieur et à la sensation d'un ventre détendu. Quand on entre en relation avec des signes, avec les autres, on garde une partie de l'attention sur la sensation du ventre détendu. Cela suffit.Donc on ne fait pas d'effort pour "être", mais seulement pour être présent à l'être. Car même si "je suis" l'Être, l'Être possède un pouvoir de se distraire de lui-même, de se perdre dans ses créations, pouvoir que l'on pourra nommer "mental", "conscience", "mâyâ", "illusion", "shakti", "liberté", peu importe. Mais c'est l'existence de ce pouvoir de se décaler de soi tout en restant soi, qui justifie une pratique d'attention, une pratique de méditation. La compréhension globale ne suffit pas, même si elle est profonde. Cet éveil doit ensuite être stabilisé, c'est-à-dire que l'attention doit être stabilisée. Voilà pourquoi, même dans des approches "non-dualistes" comme le shivaïsme du Cachemire ou le Dzogchen, une discipline est nécessaire, même si l'Espace, le Maintenant et la Conscience sont toujours déjà présents. La conscience doit apprendre, ou réapprendre, à ne pas se laisser hypnotiser par les objets. L'attention est comme un rayon de lumière qui doit pouvoir agir sans que la conscience tout entière soit emportée. Il devient alors possible de vivre la paix profonde dans les situations pratiques. Autrement, même si l'on a une intuition profonde et vraie que "tout est dans la conscience", le quotidien restera séparé de notre vie intérieure ou de notre "éveil".L'un des noms de cette discipline de l'attention est Smara Yoga, le yoga de l'attention.