Une seconde saison meilleure que la précédente : un début tonitruant, une fin un peu faiblarde
Le début de la seconde saison de 30 Rock a été particulièrement enthousiasmant, la série a réussi à maintenir l’humour singulier de la saison inaugurale et à exploiter en continuité ses différents protagonistes. L’humour de 30 Rock est surtout l’humour de Tina Fey, la scénariste et créatrice du show, un humour girlie subtil qui peut se montrer à la fois unpolitically correct et tout en dérision. Tina Fey est connue pour son écriture comique particulière, la scénariste du Saturday Night Live et réalisatrice de comédies use en permanence de sarcasmes et de blagues bidons, d’où des résultats toujours très jouissifs, comme ce Mean Girls bête et méchant parfaitement réussi.
De plus, la série s’est entourée de guests importantes qui ont permis un grain de folie supplémentaire à la série, (l’an passé, la série avait déjà en fin de saison usé de ladite technique, Emily Mortimer avait joué une Phoebe atteinte de la maladie des os de verre épouse précoce du ventripotent Jack Donaghy, Will Arnett, GOB d’Arrested Development, un homo refoulé étrangement attiré par le haut en couleurs Kenneth, une originalité délicieuse), entre autres cette année, David Schwimmer et Al Gore pour l’épisode spéciale écolo, Edie Falco le temps d’un arc, dans la peau d’une députée débordée amoureuse de Jack -une storyline recherchée et légère plutôt redoutable- Matthew Broderick en homme politique suspect, le résultat est tel que la série s’est exposé à de nouvelles dimensions (politique, principalement) et gagna donc en humour.
Cependant, à part un excellent MILF Island, la série a souffert –comme toutes séries- de l’effet de rupture entraîné par la grève et les épisodes réalisés en fin d’année ont manqué d’aplomb et de dynamisme mais sans représenter un ratage complet, la série ayant perduré à exploiter ses atouts.
Liz Lemon, à la fois geek boulimique et séductrice insoupçonnée : l’humour, toujours l’apanage des filles moches ?
L’humour au féminin a longtemps été l’apanage des filles moches : pour faire rire, il fallait soit avoir un look improbable presque clownesque, soit être foncièrement idiote. Mais surtout, il ne fallait pas révolutionner les codes de la beauté et avoir ce qu’on appelle le physique ingrat (mais était-ce vraiment le cas pour Lucille Ball ?). Cette représentation est depuis révolue (à l’exception notable d’Ugly Betty, qui n’est finalement pas une exception, Betty n’étant pas l’atout comique -atout tout court- de cette série qui brille par un second degré décapant et par ses seconds rôles de haut vol).
Pour pallier cette catégorisation dépassée, les femmes se sont mises à l’écriture et ont composé elles-mêmes leur propre rôle, à l’instar de Tina Fey ou de Julia Louis Dreyfus. Dans 30 Rock, l’humour à travers Liz Lemon a pris un nouvel envol, scénariste comique et situations amusantes « malgré elle », l’humour, c’est surtout Liz, celle-ci incarnant une geek hilarante aux références d’ado impeccables et au mode de vie marginal, une boulimique de mauvais produits salés mexicains mais aussi, une fatale séductrice à ses heures perdues, accumulant les aventures et les ex pots-de-colle, usant de son charme comme d’une arme supplémentaire, Liz Lemon est l’emblème du personnage féminin complet, moderne, aux traits nouveaux. Ce genre de rôle permet ainsi d’ouvrir la voie à de nouvelles héroïnes comiques, ancrées dans leur temps et éloignées de toute caricature.
Jenna, l'actrice-chanteuse ratée mais le sidekick indispensable
Non, ce paragraphe n’est pas destiné à persuader mon ami Benny de mon bon sens légendaire. Jenna est un personnage indispensable au fonctionnement comique de 30 Rock, c’est totalement objectif. Parce qu’il ne faut pas l'oublier : 30 Rock est d’abord une émission de variétés qui a pour star, Tracy et Jenna, l’ancienne girl du Girlie Show. Si progressivement, l’aspect backstage de la série fut effacé au profit d’histoires indépendantes autour d’une scénariste barrée et d’un patron loufoque, il en demeure que lorsque Jenna fait ses prouesses techniques sur scène, le résultat est toujours efficace.
Jenna est un personnage important de 30 Rock, elle incarne de surcroît la dimension stigmatisante du monde de la télé en jouant une actrice de seconde zone pas vraiment talentueuse qui mise davantage sur son physique passable de bimbo trentenaire que sur son charisme envoûtant. La preuve en est, l’arc Mystic Pizza autour de Jenna était pour moi l’un des plus réussis de cette saison et montrait parfaitement le rôle indéniable de Jenna ainsi que sa capacité comique non négligeable.
Jenna représente également un sidekick hors pair : meilleure amie de Liz, elle est toujours cette amie maladroite aux conseils foireux, ses répliques sont redoutables, sa moue est immanquable, Jane Krakowski est pour moi, vraiment une actrice de comédie de haut vol.
Tout le problème du personnage de Jenna, c’est qu’il est mal exploité ; bénéficiant de storylines inégales parfois même inexistantes, Jenna peine à s’imposer sur le devant de la scène et cela faute de stabilité scénaristique. Pour la rendre meilleure, il n’est pas question de faire d’elle un personnage central, Jenna étant une caricature survolée mais il est certain que ses apparitions ne doivent en aucun cas se résumer aux deux lignes piquantes récitées à l’arrivée de Liz au Rockefeller Center.
De l'humour, oui. Mais sans la sauce Tracy.
Tracy Morgan s’est fait discret cette année, on en aurait eu presque de la peine si l’on avait oublié la plaie comique qu’il représentait l’an passé. Pourtant, il était un élément important de la série, caricatural à souhait, capricieux et complètement à l’Ouest, c’est la star du show, à n’en juger que par cette seconde saison, on en oublierait presque son rôle premier.
Actuellement, le personnage de Tracy est construit sur le même modèle que celui de Jenna : un accessoire-sidekick destiné à magnifier principalement le burlesque du patron Jack Donaghy et à rendre impossible la vie de cette pauvre Lemon et cette rectification a eu son petit effet, on en décrocherait même parfois un léger sourire.
Cependant, Tracy n’est toujours pas devenu l’atout comique de 30 Rock et demeure la personnification d’un humour graveleux dépassé, représentatif de la sitcom de ghetto de mauvais goût, la faute à un acteur pataud à l’interprétation lourde et indigeste ? Certainement.