Firmin a trop lu. Forcément. Dans le sous-sol où il est né en 1960, avec ses douze frères et sœurs, il n’y avait que des livres. Livres à ronger, pour se mettre quelque chose sous la dent. Livres à lire, aussi, pour s’évader et trouver des phrases dont l’une serait parfaite en ouverture de son autobiographie. Firmin est un rat. Avec des réflexes de rat, surtout quand il est question de survie. Mais avec aussi une étonnante capacité à goûter la littérature dans ce qu’elle a de meilleur. D’ailleurs, après avoir squatté un entrepôt de librairie, il s’installera, un peu plus haut, chez un écrivain. Malheureusement, le quartier de Boston où il vit est voué à la démolition, en partie parce qu’il est infesté de… rats.
Le premier roman traduit en français de Sam Savage est moins une fable animalière qu’une réflexion sur la lecture et l’écriture, envisagées avec des yeux neufs, émerveillés. Désespérés, en outre, parce qu’il s’agit d’une histoire triste.
Sam Savage, qui vient de mourir à 78 ans, était un romancier américain qui a pris son temps avant de publier: il avait 65 ans quand son premier livre est paru. Le succès est venu avec le deuxième, Firmin, l'histoire d'un rat désormais orphelin. Il n'avait qu'une demi-douzaine d'ouvrages à son actif mais il y avait chez lui un ton singulier que deux courts articles restitueront peut-être, au moins en partie.
Firmin. Autobiographie d’un grignoteur de livres (traduit de l’américain par Céline Leroy, 2009)
Spring Hope (traduit de l'américain par Pierre Martin, 2015)
Une femme à la recherche d’images du passé,
quand sa mère écrivait dans des cahiers et se nourrissait de poésie. Une sorte
de Je me souviens, à la Georges
Perec, en même temps qu’un détournement de la méthode : certains souvenirs
sont inventés ou recomposés, les effets parfois répétés créant une musique
décalée par rapport à celle qu’a dû entendre celle qui écrit. Tous les écarts
sont annoncés et fournissent de beaux moments.