La danse du bras

Publié le 19 janvier 2019 par Réverbères
De toute évidence, j’aurais préféré ne pas être là. Mon vélo en avait décidé autrement. Je m’étais retrouvé étalé sur la route, puis aux urgences avec une épaule démise et d’autres maux. Dès l’arrivée, je m’étais senti accueilli et pris en charge. La séance de radios ne fut pas la plus facile, mais l’empathie des deux opératrices me bouleversait. Quelques minutes plus tard, le médecin entrait dans la cabine, véritablement radieux : « Bonne nouvelle, il n’y a pas de fracture » !
Il était accompagné d’une collègue au sourire désarmant. Ce genre de médecins qui vous donne envie d’être blessé rien que pour qu’elle vous soigne ! Le premier lui a demandé si elle voulait agir. Elle lui a souri – quel ravage ! –, a décliné et s’est installée résolument à ma gauche, prenant ma main dans la sienne. L’extase !
L’autre, au sourire moins féminin mais tout aussi ouvert, a saisi avec une douceur incroyable mon bras droit. La danse a commencé, dans des mouvements lents et millimétriques. En réalité, j’avais fermé les yeux et je me laissais bercer par les mots bienveillants et suaves de la belle doctoresse. L’homme dessinait avec mon bras de minuscules arabesques. Je n’avais plus mal et je m’évadais dans ce monde vaporeux où les mots incessants de l’une accompagnaient les gestes précis et doux de l’autre pour créer une prodigieuse musique de chambre que j’étais seul à entendre.
J’ai senti des doigts se planter dans mon aisselle en même temps que le danseur ramenait mon bras sur mon ventre en susurrant « Voilà, c’est fini ! ». J’eus à peine le temps d’ouvrir les yeux et de voir son sourire, il était déjà parti, comme s’il refusait de devoir assumer le miracle qu’il venait d’accomplir. En lot de consolation, il me laissa sa jeune collègue, toujours aussi rayonnante, qui nous donna toutes les explications nécessaires.
La réalité revint vite à la charge et le chemin de la guérison totale est sans doute encore long et difficile. Mais je n’oublierai jamais cet instant magique où mon bras démis fut emporté dans cette danse sublime !