[Critique] THE FRONT RUNNER

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : The Front Runner

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jason Reitman
Distribution : Hugh Jackman, Vera Farmiga, J.K. Simmons, Sara Paxton, Molly Ephraim, Ari Gaynor, Mike Judge, Kevin Pollak, Tommy Dewey…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 16 janvier 2019

Le Pitch :
Gary Hart a tout pour plaire aux électeurs : jeune, beau, charismatique et visiblement concerné par le peuple, il mène d’ailleurs la course aux primaires démocrates en vue de l’élection présidentielle de 1988. Pour beaucoup, le prochain chef du monde libre, c’est lui. Mais Gary Hart ne dit pas tout à ses électeurs. Notamment concernant sa tendance à l’adultère. Histoire vraie…

La Critique de The Front Runner :

On dit que Hugh Jackman sait tout faire. Il sait danser. Rudement bien même. Il chante aussi et là encore, il est excellent. Au cinéma, Jackman a démontré qu’aucun registre ne lui faisait peur. Et si il reste pour beaucoup le Logan de la franchise X-Men, avec ses griffes en adamantium et sa coiffure animale, il ne faut pas oublier qu’à côté, l’acteur a toujours démontré d’un désir de varier les genres avec un talent certain. Dans le costume de Gary Hart, un jeune sénateur promis à un brillant avenir à la fin des années 80, condamné par la presse à la suite d’une énième aventure extra-conjugale, Jackman fait à nouveau des merveilles. La bonne nouvelle, c’est que film aussi est bon. Et pas qu’un peu !

The Affair

Solide sur ses appuis mais trahissant parfois une certaine lassitude due à un manque de compréhension de certains codes inhérents à la célébrité, le Gary Hart de Hugh Jackman est impeccable. Talentueux directeur d’acteurs, Jason Reitman (le futur réalisateur de Ghostbusters 3) a de plus pleinement su tirer partie de l’investissement de sa star pour faire d’elle le pivot d’une histoire passionnante à plus d’un titre. Et il fallait bien un comédien de la stature de Jackman pour embrasser la complexité du politicien Gary Hart. Un homme assurément fort et valeureux, victime de ses pulsions mais tout autant d’un système en pleine mutation. D’ailleurs, c’est vraiment de cela dont il s’agit dans The Front Runner : raconter comment la politique et donc les politiciens durent s’adapter aux nouvelles méthodes de la presse pour cacher encore un peu plus profondément leurs squelettes dans leurs placards et continuer d’apparaître tels des sauveurs providentiels dignes de confiance.

Autre époque, autres mœurs

Rien d’innocent dans la démarche de Jason Reitman. On sait le réalisateur engagé et le voir s’intéresser à l’histoire de Gary Hart en 2018 est plutôt logique. Une belle occasion pour lui de mettre en exergue Hart et Trump par exemple et ainsi de souligner l’évolution dans la façon dont le premier a été victime d’un scandale en raison de travers qui n’ont pas empêché le second d’atteindre le sommet de la montagne. The Front Runner insiste d’ailleurs bien sur ce point. À un moment donné, des journalistes d’un journal sérieux discutent des rumeurs à propos de Gary Hart. Ce dernier tromperait sa femme. Et alors ? Lyndon B. Johnson et Kennedy aussi et personne ne s’en est ému outre mesure. Oui mais les temps ont changé depuis les années 60 et 70. Comme le dit le personnage incarné (brillamment) par J.K. Simmons, le public veut tout savoir, encouragé par une certaine presse avide de faire les poubelles des stars pour livrer leurs moindres secrets. Quitte à organiser des planques devant les maisons de leur cible pour aller au fond des choses. Hart est donc arrivé à un moment où rien ne devait dépasser. L’image publique devait être parfaite. Avant lui, des hommes de sa stature, avec des responsabilités encore plus grandes, jouissaient d’une sorte d’immunité quant à leur vie privée. Kennedy par exemple, avait des aventures à la chaîne et on imagine presque qu’il aurait pu tout aussi bien organiser des parties fines que cela n’aurait rien changé à sa popularité… Gary Hart quant à lui, souvent comparé à JFK d’ailleurs, a chuté de son piédestal à cause de ses infidélités, à une époque où il fut non seulement possible mais aussi acceptable de s’immiscer dans l’intimité des puissants pour voir ce qui pourrait en ressortir de bon ou de mauvais.
Il y a dans The Front Runner une brillante réflexion sur la presse, avec ce télescopage alors inédit entre les tabloïds et les journaux sérieux. Mais là où Jason Reitman frappe vraiment fort, c’est quand il parle du système actuel. Pas directement, mais en se servant de son histoire pour pointer du doigt l’administration actuelle et le système lui ayant permis de se mettre en place. Souligner le caractère ridicule de la chose avec une seule question : comment un misogynie notoire, connu pour ses aventures hors-mariage, ayant couché avec une star du porno et n’hésitant pas à tenir des propos outrageants à la moindre occasion, raciste et aussi charismatique qu’une tomate trop mure, a pu arriver à se hisser aussi haut, quand, 30 ans avant, un type comme Hart a fait les frais d’un électorat d’un coup d’un seul concerné par la moralité de ses dirigeants ?

Gueule de bois

Au fond, Jason Reitman fait un état de lieu de l’Amérique post-Guerre Froide et dessine un trait d’union avec l’Amérique port-11 septembre, tout en entrant également dans le débat #MeToo. Il nous jette les paradoxes du système au visage. Sans avoir l’air de le faire, c’est à dire avec application, tact, mais aussi avec une virulence qui se lit dans sa mise en scène studieuse mais dynamique et dans l’écriture, vive, basée sur de longues et souvent passionnantes plages de dialogues. Non The Front Runner n’est pas un film sensationnaliste sur la forme. Mais il l’est dans le fond. Avec beaucoup d’intelligence, une acuité parfois dingue et l’appui d’acteurs concernés, il va au bout des choses.

En Bref…
Passionnante chronique d’un naufrage politique et social, The Front Runner dit beaucoup de choses sur notre rapport aux puissants, sur l’évolution de la politique, sur celles des méthodes de la presse et sur cette fascination malsaine pour la vie privée des autres. Indispensable.

@ Gilles Rolland

   Crédits photos : Sony Pictures Releasing France