Peu de temps après les événements relatés dans Split, David Dunn (Bruce Willis) – l’homme incassable – poursuit sa traque de « La Bête », surnom donné à Kevin Wendell Crumb (James McAvoy) depuis qu’on le sait capable d’endosser 23 personnalités différentes. De son côté, le mystérieux homme souffrant du syndrome des os de verre, Elijah Price (Samuel L. Jackson), alias Mr. Glass, suscite à nouveau l’intérêt des forces de l’ordre en affirmant détenir des informations capitales sur les deux hommes.
Que dire sur Glass, nouvelle réalisation de M. Night Shyamalan, si ce n’est que par sa condition de double suite, le film se révèle complètement inédit. Rares sont effectivement les longs-métrages qui ont vocation à répondre simultanément à deux œuvres antérieures distinctes, encore plus lorsqu’elles sont séparées de plus de 15 ans. Un pari pour le moins ambitieux que le cinéaste américain relève finalement haut la main, ce troisième volet répondant avec un équilibre incroyable à Incassable et Split. Comme il l’avait déjà évoqué près de 20 ans plus tôt en présentant David Dunn, le réalisateur profite de ce nouvel opus pour questionner en profondeur le mythe des super-héros. Cependant, cette fois, l’interrogation prend une ampleur considérable en présence de Kevin Crumb, Elijah Price et surtout Ellie Staple. Incarnée par l’excellente Sarah Paulson, la psychiatre va en effet remettre sérieusement en cause les croyances des personnages, les ramenant à des anomalies scientifiques plutôt qu’à des figures super-héroïques. Véritable cœur du récit, cette remise en question de la nature même des super-héros offre au film une fibre réflexive fascinante, qui colle de surcroît parfaitement à l’œuvre globale. En extrapolant la dimension méta, on pourrait même y voir une critique cinglante du courant mainstream du genre.
Si le film s’avère particulièrement riche sur le fond, et regorge de rebondissements plutôt bien sentis (Shyamalan oblige), force est néanmoins de constater que le scénario se laisse parfois aller à quelques facilités narratives pour parvenir à ses fins, notamment au sein de l’hôpital psychiatrique. Dans le même esprit, l’introduction des rôles secondaires est également un peu laborieuse, les personnages interprétés par Anya Taylor-Joy (l’héroïne de Split), Spencer Treat Clark (le fils de David Dunn) et Charlayne Woodard (la mère d’Elijah Price) ne trouvant leur raison d’être que dans l’ultime acte du récit. Ce qui n’empêche toutefois pas les acteurs d’être convaincants, la jeune comédienne délivrant avec James McAvoy quelques scènes étonnamment poignantes. En parlant de James McAvoy, celui-ci impressionne à nouveau dans la peau de Kevin Crumb, individu aux multiples personnalités offrant à l’acteur britannique l’opportunité de camper plusieurs personnages à chacune de ses scènes. Davantage dans la retenue, ses complices de jeu Samuel L. Jackson, plus retors que jamais, et Bruce Willis, toujours aussi charismatique, complètent joliment le tableau. Enfin, signalons aussi pour terminer la grande maîtrise formelle de l’ensemble, la mise en scène (cadres, mouvements de caméra, focales…) réservant quelques séquences d’exception.
Double suite des films Incassable et Split, Glass s’impose donc comme une œuvre ambitieuse et singulière, dépassant ses quelques facilités narratives pour proposer un thriller fantastique assez remarquable. A travers le parcours de ces trois figures hors normes, M. Night Shyamalan questionne brillamment le mythe des super-héros et leur utilisation contemporaine. Fascinant !