Dans son ouvrage « Révolutionner la santé et la sécurité au travail », Mikael Mourey commence par montrer que depuis une vingtaine d’années, le nombre d’accidents professionnels mortels stagne. Ce phénomène ne touche pas que la France, il s’observe de la même façon en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, où certains secteurs voient même la situation se dégrader. Avons-nous atteint un plancher ? Est-il impossible de continuer à progresser ?
De nombreux facteurs expliquent la difficulté à continuer de progresser, notamment la culture d’entreprise. Mais lorsque l’on analyse des accidents graves, bien souvent, un ou plusieurs biais cognitifs ont conduit à une décision erronée. Mikael Mourey recense et illustre les biais les plus fréquents :
« Les biais cognitifs comme celui-ci sont nombreux, ils varient selon les individus et le contexte. Au contact de vos collaborateurs, vous retrouverez peut-être des biais courants comme :
- Le biais d’excès d’optimisme : « Tout va bien se passer ! »
- Le biais d’illusion d’invulnérabilité : « Il ne peut rien m’arriver, pas à moi !»
- Le biais d’influence du groupe : « Tout le monde fait comme ça ici ! »
- Le biais d’influence des habitudes : « J’ai toujours fait comme ça, si je n’ai pas eu d’accident, c’est que ça n’est pas dangereux ! »
- Le biais de confirmation nous pousse à confirmer nos croyances, qu’elles soient justes ou fausses. Ainsi, nous ne prêterons attention qu’aux informations susceptibles de les renforcer. À l’inverse, nous tenterons de discréditer les informations qui les remettent en cause. Vous avez sans doute déjà rencontré des personnes qui ne changent pas d’avis quand vous leur exposez des faits contraires à leurs convictions. Des psychologues ont démontré que les croyances peuvent même être renforcées quand il y a des preuves accablantes contre elles.
- Le biais de négativité donne plus de poids aux expériences négatives qu’aux positives. C’est ainsi qu’une négligence délibérée d’un salarié peut faire basculer une entreprise dans une politique de surveillance disproportionnée : nous adaptons le système de management au 1 % de saboteurs.
- Le biais de court terme consiste à réagir aux risques perçus comme imminents, mais à ignorer largement ceux du plus long terme, même lorsque ces derniers ont des conséquences beaucoup plus importantes.
- Vous pensez ne pas être concerné par ces raccourcis erronés ? Ceci est un biais répandu : il s’agit du biais d’autocomplaisance. Ce même biais intervient aussi pour attribuer votre réussite à vos qualités propres et vos échecs à des facteurs ne dépendant pas de vous.
En fait, la question n’est pas de savoir si nous avons des biais cognitifs qui affectent notre jugement, mais plutôt d’identifier lesquels sont les plus présents.
(…) Le meilleur antidote est le développement de la curiosité et de l’esprit critique. À l’échelle individuelle, c’est un travail considérable. À l’échelle d’une organisation, c’est un travail titanesque. Mais lorsque ce travail s’inscrit dans une réelle politique de développement des compétences, l’entreprise peut rendre les aptitudes d’évaluation et de réaction intuitives beaucoup plus fiables et robustes. »
Nous ne sommes pas condamnés à être victimes de biais cognitifs. Une culture d’entreprise qui encourage l’exploration, l’expérimentation et la prise de risques calculés aide au contraire à s’adapter à des situations imprévues et à exercer un jugement plus sûr.