Juan-Manuel Vazquez à la Fabrique à Paroles, Paimpol, le 13 janvier 2019

Publié le 15 janvier 2019 par Concerts-Review

Juan-Manuel Vazquez à la Fabrique à Paroles, Paimpol, le 13 janvier 2019

L'association l'Image qui Parle se remue en ce début 2019, elle organise deux concerts ( au chapeau) à La Fabrique à Paroles ( Paimpol): le samedi, Duolivine, (Olivier Depoix et Ingrid Blasco), chante les femmes de Bretagne, le lendemain, Juan-Manuel Vazquez propose le récital ' La Faena' reposant sur des poèmes et des chants populaires d'Amérique latine.

A 16h, la salle est quasi comble, un membre de l'association introduit le concert avant de voir arriver le jeune argentin, armé d'une acoustique, prendre place sur un tabouret.

S'il confesse être né à Buenos Aires, le frêle artiste confie avoir également des origines galiciennes, il a choisi de fouiller dans l'imposant héritage de la musique populaire latino-américaine pour déterrer des tangos, afrotangos, milongas pampeanas, chacareras, candombes en les clarifiant d'anecdotes judicieuses, souvent méconnues du public occidental.

Juan-Manuel décide d'entamer le tour de chant par 'La leyenda del tiempo' , un poème du dramaturge Federico García Lorca, popularisé dans la version musicale de Tomatito ou de Camarón de la Isla.

Instantanément l'assistance est déconcertée par la voix profonde et dramatique du jeune homme gracile qui a choisi de transformer le flamenco en tango lent et tragique, reposant sur un jeu énervé.

La sombre ballade 'Cancion de las cantinas' , un titre phare au répertoire de Mercedes Sosa, décrit le monde de la nuit, elle précède ' Milonga de los Morenos' évoquant la population noire d'Argentine.

Le chant est expressif, le jeu de guitare, sobre, s'avère d'une efficacité infaillible, Paimpol retient son souffle avant d'applaudir à tout rompre au terme de la milonga.

Il n'est pas envisageable d'interpréter le tango sans penser à Carlos Gardel, l'enfant de Toulouse devenu El Morocho del Abasto, après ' Lejana tierra mía' le chanteur nous propose un détour par le carnaval pour assister au bal des masques.

' Baile de Mascaras' et sa rythmique noire ont fait forte impression, derrière toi, une brave dame lance un 'waoh' enthousiaste.

L'heure n'est plus au travestissement, direction le Venezuela pour faire la connaissance des vaches locales qui portent des noms poétiques, Mariposa ( papillon), Lucerito ( petite lumière) ou 'Flor de Mayo' .

Là-bas les chanteurs s'accompagnent au cuatro, Juan-Manuel s'en tient à la six cordes.

Dans ta discothèque traîne encore un 33 T d' Isabel et Angel Parra , gravé en France en 1981. Au Chili, tu prononces le nom Parra, inévitablement on te parlera de Violeta ( la maman des deux précédents) , un autre grand chanteur/ dramaturge/révolutionnaire se nommait Victor Jara, assassiné sous la dictature de Pinochet, on lui doit le poignant ' El arado' ( la charrue) un texte chargé de métaphores.

Retour en Argentine pour une escale au bar ' Chacarera del 55 ' situé à Santiago de Estero.

Le traditionnel ' La Llorena' ( la pleureuse) a inspiré de nombreux artistes et pas uniquement d'origine hispanique puisque Joan Baez, Nana Mouskouri, Vaya Con Dios, Olivia Ruiz ou Elis Dubaz and Çağatay Azat ont choisi de s'attaquer à la légende mexicaine, chacun à sa manière et en sélectionnant son texte.

Leopoldo Marechal, romancier et poète argentin, a défrayé les chroniques littéraires avec le roman 'Adan Buenosayres' ( 1948), on lui doit le texte de ' Huella del cariño' décrivant les gauchos dans la pampa.

'Volver a los 17' de Violeta Parra dépeint les sentiments que la chanteuse chilienne éprouvait pour un copain de son fils, le titre a été banni des ondes sous Pinochet.

Chabuca Granda , une des plus grandes interprètes péruviennes, se faisait accompagner au cajon pour chanter ' ' El surco' sur un rythme lando.

Le voyage touche à sa fin, le rivage est visible depuis la proue de l'embarcation, j'ai envie de terminer par un titre notoire que vous pouvez essayer de fredonner avec moi, 'Cucurrucucú Paloma'.

Dans la salle le mercure s'élevait à 23° mais tu frissonnais, quelle voix, mes enfants, quelle émotion...

Tu dis, Dolores?

Maravilloso!

Le voilà acculé au rappel.

Une brave dame avance un titre, 'Gracias a la vida'.

Je ne me souviens pas du texte entier, mais si ça vous fait plaisir...

D'autres requêtes fusent, l'aimable barde préfère proposer 'Romance de la luna', un second texte de Federico Garcia Lorca, détaillant le dialogue entre l'enfant gitan et l'astre de la nuit.

Juan-Manuel Vazquez a chanté, joué de son instrument, narré, expliqué, évoqué, charmé et captivé, puis on s'est baladé sur les quais, on n'a pas aperçu la colombe, deux goélands argentés nous ont observés, un migrateur, perdu, est passé plus haut, on a remonté le col du trench, avisé un bar et siroté du houblon ambré en revivant le concert.