Après la faillite de la Compagnie Godeffroy et les aventures de la New Guinea Company, une autre entreprise émerge dans le sillon des projets de commerce en Nouvelle-Guinée allemande : la Hernsheim Company. Dirigée par Max Thiel, le neveu du fondateur, l'entreprise s'intéresse elle aussi à la collecte des objets ethnographiques. Il s'agit encore d'une société hambourgeoise mais son siège principal en Mélanésie est établi à Matupi(t), une île située face à Rabaul en Nouvelle-Bretagne (devenue maintenant une presqu'île suite aux explosions volcaniques).
(Ci-après, une photographie des années 1890 du comptoir de Matupi, Max Thiel étant celui qui tient un chapeau).
En 1899, Georg Thilenius qui deviendra plus tard le directeur du musée ethnographique de Hambourg (1904), rend visite à Max Thiel. Il reproche à ce dernier la piètre qualité des objets collectés et lui conseille de s'adjoindre les services d'un collecteur "professionnel" afin d'améliorer les recherches ethnographiques. Ce nouveau collaborateur, ce sera Franz Hellwig, embauché en 1902.
Fin connaisseur de l'archipel Bismarck, il a déjà à cette date accumulé une belle collection (on parle 1700 objets). En 1904, il se rend à Hambourg pour le compte de Max Thiel et vend pour 20 000 marks d'artefacts au musée d'ethnographie dont Thilenius est à présent le directeur. Il semble que Max Thiel recherchait plus les honneurs que l'argent et c'est pourquoi il fera des dons à divers musées scandinaves notamment en Norvège, puis à Berlin, obtenant des décorations... ce qui explique la présence d'objets collectés par Hellwig dans ces musées.
Ainsi au Kulturhistorisk museum d'Oslo, les objets de numéros d'inventaire UEM 21620 à 21676 constituent-ils une collection de masques de danse, d'armes et d'ustensiles domestiques de l'archipel Bismarck et de Nouvelle - Guinée donnée par Thiel et très probablement collectée par Hellwig, tels le charme de l'Amirauté (photo 1) et cette ombrelle de masque Sulka (ci-après).
Nous l'avons maintes fois constaté, l'histoire des collections révèle de nombreuses surprises. Ainsi, le Bowers Museum de Santa Anna a-t-il acquis l'année dernière un magnifique bol des îles de l'Amirauté au San Francisco Tribal and Textile Art show.
Ce dernier provenait d'un couple de collectionneurs suisses, Max et Berthe Kofler-Erni. Mais en remontant plus loin, il s'avérait que ce bol avait été collecté par Hellwig et vendu à Karl von Linden qui commençait sa collection en vue de la création du nouveau musée qui porterait son nom à Stuttgart.
D'après la notice du musée, ce bol aurait bien été conservé par le Linden Museum jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, date à laquelle le bâtiment a été réquisitionné pour entreposer le mobilier juif confisqué. (pour preuve ces inscriptions à l'intérieur du bol, Thiel et n° d'inventaire du Linden Museum (cf. Photo ci-après)).
Les collectes d'Hellwig sont donc assez célèbres de par le monde des musées mais ce personnage allait être aussi connu avec ce qu'on a appelé "le mystère Matty"...
À suivre...
Sources :
Buschmann Rainer, 2009, Anthropology's Global Histories, The ethnographic Frontier in German New Guinea, 1870-1935, University of Hawai'i Press.
Buschmann Rainer, 2000, « Exploring Tensions in Material Culture: Commercialising Ethnography in German New Guinea, 1870-1914 » in O'Hanlon and Welsch (ed), Hunting the Gatherers, Ethnographic Collectors, Agents and Agency in Melanesia, 1870s-1930s, New York, Berghan.
Bounoure G., "Note sur un grand crochet Iatmul", vente Binoche & Giquello, 2018
Photo 1 : Charme (ornement de cou) des îles de l'Amirauté, © Kulturhistorisk museum Oslo, UEM 21666.
Photo 2 : Hernsheim Compagnie, Matupit, vers 1890, © Archives du Musée ethnographique de Hambourg.
Photo 3 : Ombrelle d'un masque Sulka, © Kulturhistorisk museum Oslo, UEM 21622.
Photos 4 et 5 : Bol et inscription intérieure - Culture matankol, Île de Lou, îles de l'Amirauté, province de Manus, archipel de Bismarck © Bowers Museum, 2018.11.