Le grand frère, mon beau frère par alliance Je lui dois d’excellent moment. Ainsi que la raison de mon "éloignement" Un Louis de Bavière, un batisseur contruisant des châteaux inaccessibles. Comme lui il avait un problème avec le présent et la norme. C’était un Louis d’Esconac, village en bord de Garonne, terre du « château » La Villa Rose à l’hospitalité si généreuse qu’elle accueillait en son salon le fleuve quand il sortait de son lit. Il y avait ajouté à l’honneur d’être convié à la contemplation d’une clôture des moutons ou l’inauguration du bassin des carpes Koï, la difficulté d’accéder au lieu. Invité vous apparteniez au sérail. Vous faisiez partie du premier cercle, celui qui avait trouvé le chemin de son cœur et celui de sa baraque C’était un noël, un anniversaire, un déménagement, la mise en bouteille d’un fond de cuve acheté en douce à un copain camionneur faisant la collecte des « Châteaux » du bordelais intercepté entre le chai et le négociant ou la conserve des confits qui nous réunissait. La première fois … Je revenais de Compostelle … Sur le ruban de l'autoroute Juillet croisait Août et dans le pays d'entre deux mers dînait un groupe d'amis d'un jour qui allait m’adopter Le vent d'Autan emportait la voix d'Émile réclamant la matière première et son souffle léger collaborait à l'excitation des braises avant leur rendez-vous avec les darnes du poisson. Louis avait invité à sa table, concomitamment à mon arrivée dans la famille, l’équipe du tournage d’un documentaire pour une télé régionale. Leur langage semblait être écrit par un dialoguiste. La « matière première » c’était la nourriture et balles neuves en tendant son verre signifiait une invitation à refaire le plein. Je me réjouissais de cette hermétique langue excitant mon imaginaire.
"- Le maquillage euh, la marinade du thon de haute mer, c'est bon! J'ai du tison amoureux qui s'impatiente!"
La Garonne montait encore derrière le chemin en contrebas du talus. Bambous saules et plumets dissimulent le flot et les verres inutiles de l'apéro vidés de leurs attraits capturent les lueurs des derniers brandons du brasero comme un supplément de soleil couchant.
Le ponton ne sera jamais terminé, trop coûteux et il faudra mettre à l'eau à l'étale pour ne pas s'envaser.
L'énorme thon rouge, plus que jamais en voie de disparition, achevé, quelques uns s'attardent sur le "maigre" du mulet en charpie péché par Fred sans renverser son verre de Bourbon:
"-il en reste sous la joue bâbord" annonce-t-il. Prévu pour être servi à la française, les filets "levés" au couteau, il semble plutôt avoir été dépiauté à la grenade.
A quatre heures du matin, Mick et Mike sont partis chez Miranda. Ils reviendront avec quelques feuilles qu'ils découperont et sécheront à la poêle.
May négocie un « dix grammes » et Naomi crée du lien à l'écart dans le salon avec Chris, Chef de prod pour se sortir de la mouise qui l'attend à la fin du tournage. Nat, l'assistante ronfle sur le sofa comme l' A 380 des infos de tout à l'heure annonçant son premier décollage sans se douter des complots qui s'ourdissent au pied du canapé.
Priot tend son verre exsangue de rouge vers la bouteille de Gaillac qui lui cède quelques larmes en s'inclinant de 45°.
Il se saisit d'une bouteille indemne:
"-balles neuves"
Les filles gloussent.
Avec un temps de retard, Christophe le petit nouveau en voie d'intégration, libère un rire instinctif et grégaire pour satisfaire son besoin de chaleur humaine. Cherchant la relation utile Mathilde, en quête de murs où accrocher ses merdes d'art contemporain pire que les "Gluts" de Rauschenberg, s'est désintéressée assez vite d'Émile, inutile puisqu'elle à un toit sur la tête jusqu'à la fin de l'été, pour les promesses de Stan, le régisseur qui connait un voisin, qui connait un épicier, qui connait un gars qui possède une galerie. Les joints tournent et les rires inégaux ou utiles fusent sur la coordination pas évidente main gauche/rhum arrangé et main droite/ganja. La moindre mimique a des vertus comiques sur les esprits qui veulent se plaire et vaincre l'ennui. C'est Priot le mieux entraîné à se mettre la tête à l'envers qui joue au mâle dominant.
Les deux Mike rapportent les feuilles séchées à la poêle, bien allumés.
"- elle fait de l'huile" glisse Mick trivial, à l'oreille de son complice en apercevant Mathilde en surchauffe, sur le point de conclure tandis que Priot, dépose le petit David sur le toit d'une bagnole.
Le môme confié à son père un weekend/deux aux yeux cernés échange sa solitude, la fragilité de ses quatre ans et son sommeil contre la compagnie amusée des adultes dans l'indifférence de son paternel. Trente deux dents et un mètre soixante seize plus tard, David comprendra la blessure sonore de la risée suivant la dernière phrase de l’ami Priot à la cantonade:
"-Quand t'es défoncé, c'est marrant un nain!"