Gilets jaunes et mensonges d'État

Publié le 11 janvier 2019 par Jean-Marie Le Ray
Ce billet, qui pourrait également s'intituler "Lettre ouverte au président de la république française et à son gouvernement" (les majuscules, il faut les mériter...), naît d'un gros coup de colère, qui n'a d'égale que mon indignation, provoquée par les terribles images de dizaines et de dizaines de françaises et de français estropiés à vie - des jeunes pour la plupart - en raison des violences policières qui émaillent les manifestations des gilets jaunes.




De véritables "blessures de guerre", d'ailleurs dénoncées par un syndicat de policiers :
Monsieur le Premier Ministre,
Depuis le 17 novembre dernier, plusieurs Français ont été gravement mutilés lors de tensions entre nos services et des manifestants gilets jaunes au cours d’opérations de maintien de l’ordre.
Mes collègues se sont engagés dans la police nationale pour protéger la vie de leurs compatriotes. Malheureusement, des citoyens ordinaires, comme nous policiers, vont désormais devoir vivre avec un œil ou une main en moins.
Ces mutilations permanentes semblent avoir été causées par les LBD et les GLI-F4. Jamais sous la cinquième République nous n'avions fait un usage aussi intensif de telles armes contre la foule.
Dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre, l’emploi de ces armes est ordonné par l’autorité administrative. Il s’agit généralement des préfets qui appliquent les orientations du ministre de l’Intérieur.
Il ne m’appartient pas d’apprécier si l’usage de la force ordonnée par l’autorité ministérielle et préfectorale a été proportionné ou non.
Toutefois, il appert que les victimes mutilées sont généralement de simples manifestants pacifiques s’étant retrouvés au milieu des casseurs.
(...)
S’agissant des Gilets jaunes mutilés, alors que certains dommages corporels s’apparentent à des blessures de guerre, je m’étonne que personne, ni dans la classe politique ni chez les people, ne s’en émeuve.
Pour mieux comprendre l'impact sur un visage, il suffit de voir une douille :

Ça c’est une balle de flash-ball. Ca pèse 63 grammes et le caoutchouc est vraiment très dur. Donc quand j’entends balle en mousse je rigole parce que la mousse il faut la chercher. Sur le flash-ball super pro qu’utilise nos forces de l’ordre, ça part à 330 km/h. Donc en pleine poire et partout sur le corps ça fait très mal...
En italien on dit souvent que jamais l'État ne se fera un procès à lui-même (lo Stato non processa se stesso), quant à moi j'espère vivement que tôt ou tard l'État français devra répondre devant une cour de justice, française ou européenne, des exactions qu'il a lui-même commanditées. Car vu le nombre de bavures, il est impossible que ce soit le fait d'actes isolés et individuels ! Du reste, un policier l'avoue : « Tout ce qui est tirs tendus est ordonné par l'autorité hiérarchique et nous obéissons aux ordres... »
Avertissement : à celles et ceux qui voudraient me rétorquer que c'est bien beau de parler des violences policières mais qu'il ne faudrait pas non plus oublier les violences des gilets jaunes, je vous renvoie à tous les médias de France et de Navarre qui racontent à l'unisson (presse, télé, radio et internet confondus) un message aussi simpliste que faux : "l'État c'est les bons, les gilets jaunes c'est les méchants", et passent en boucle Christophe Dettinger le méchant, mais surtout sans jamais montrer la bienveillante gentillesse de Didier Andrieux ! Benalla doit bien rigoler...
Et de même que je m'étais promis de ne plus parler de politique sur ce blog (pour me consacrer à mon métier et à mes intérêts linguistiques), trop c'est trop et je ne peux pas laisser passer certaines choses : car après avoir interpellé directement Emmanuel Macron, son équipe et l'une de ses ministres, sans recevoir aucun retour de leur part, je suis bien obligé d'élaborer seul ma propre réponse à la montagne de questions que je me pose sur cette violence policière extrême et délibérée, ainsi que sur les raisons profondes du silence total, jalousement gardé par le président et tous les membres du gouvernement (les médias mainstream, laissons tomber, ils sont clairement à la botte...), sur ce sujet qui fâche...
Si vous souhaitez vraiment vous informer, suivez le fil du journaliste David Dufresne sur Twitter.
Tout d'abord, écoutons la déclaration poignante d'une proche d'un jeune homme handicapé à vie grâce aux valeurs républicaines vantées à tours de bras et de langues par les thuriféraires sans peurs et sans reproches du chef et du pouvoir en place :

Or l'un des tenants des valeurs de la république répondra-t-il (elle) jamais à cette dame et à toutes les questions justifiées qu'elle pose ?
Quant au président Macron, qui voulait se poser en rassembleur, aura-t-il jamais un minimum d'empathie vis-à-vis de ses concitoyen.ne.s dont l'État a totalement détruit la vie et les rêves d'une France meilleure et plus juste, et dont certain.e.s ont d'ailleurs probablement voté pour lui sans jamais s'imaginer une seconde l'avenir qu'il était en train de leur préparer...
Juste deux ou trois questions, Monsieur Macron :
  • avez-vous le sentiment d'avoir été élu pour traiter ainsi vos compatriotes ? 
  • de quel droit le faites-vous ? 
  • et, surtout, de quel droit vous ne leur donnez aucune réponse lorsqu'ils (elles) vous demandent raison des véritables motifs pour lesquels vous avez détruit leur vie ?
Or vous faites semblant de croire que le problème des violences policières n'existe pas, que la "foule haineuse" (vos propres termes) est seule fautive de ce qui lui arrive, en ne condamnant la violence que de façon partielle, partisane, sans recul et uniquement comme instrument politique, ce qui est en soi une violence. Cachée, certes, mais violence quand même.
« Je dirais même qu’il s’agit là de la pire des violences », observe justement Willy Ortiz.
Et cette violence, c'est vous et votre gouvernement qui en êtes complices et qui la commettez, M. Macron, et certainement pas les gilets jaunes.
Après vous avez beau jeu d'annoncer en grandes pompes l'enfumage d'un grand débat national !
Mais pour débattre de quoi ? Avec quelle crédibilité ? Car tant que vous n'affronterez pas d'abord publiquement le thème qui fâche des #ViolencesPolicieres, cela revient à affirmer l'absence TOTALE de débat, ainsi bridé à la recette #PenséeUnique + #PolitiquementCorrect + #HypocrisieTotale...
Racontez-nous d'abord pourquoi le mouvement des gilets jaunes subit une violence effrénée de la part de "forces de l'ordre" censées défendre leurs concitoyen.ne.s au lieu de les envoyer à l'hôpital défiguré.e.s. (Jamais sous la cinquième République nous n'avions fait un usage aussi intensif de telles armes contre la foule).
Racontez-nous pourquoi vous créez de tels précédents contre la liberté de manifester, contre la liberté d'expression, et surtout pourquoi une telle répression, probablement destinée à augmenter ?
Racontez-nous pourquoi vous et votre gouvernement vous enfermez dans une communication fallacieuse, totalement inadaptée à la situation ?
Racontez-nous votre mépris du "pacte civique" que vous invoquez vous-même, Monsieur Macron, en concluant ainsi :
Chacun doit se ressaisir pour faire advenir le débat et le dialogue.
Très bien, alors montrez l'exemple et mettez votre parole en pratique. Sous peine de définitivement perdre le peu de crédibilité qui vous reste, Monsieur le président, à vous et votre gouvernement.
Jean-Marie Le Ray