En sanskrit, ce cercle est le samsâra.
Comment en sortir ?
En éveillant la vibration du coeur. La vibration qui est le coeur. Une source de plaisir au plus profond de nos entrailles. Nous ressentons ce plaisir qui guérit quand nous prenons quelqu'un dans nos bras, par exemple. Ou quand nous nous laissons aller sur un canapé. Ou quand nous lâchons un fardeau.
Tout ce que nous faisons (ou croyons faire, dans la confusion) est inscrit dans le corps. La chair est tissée d'inconscient (les conditionnements) et d'inconscience (le manque d'attention).
Les émotions s'inscrivent dans le ventre, spécialement dans le plexus solaire et l'estomac.
Les bavardages et autres schémas verbaux s'ancrent dans la tête, spécialement la mâchoire et les yeux.
Entre ces deux zones chargées de nœuds, le cœur. La source d'un amour inconditionné, sans passé, d'une énergie toujours fraîche. Le nectar d'immortalité.
Chez la plupart d'entre nous, la tête et le ventre sont en si forte interaction que le cœur semble éteint. Pris en tenaille, pour ainsi dire, la vibration du cœur parait lointaine, abstraite même pour beaucoup de gens.
Pourtant, elle veille sous les tensions comme la braise sous la cendre. Car la vibration consume tout. Sa nature est comme le feu : elle brûle tout, c'est-à-dire qu'elle embrasse tout, elle intègre tout à l'unité.
Une tension (dans le ventre ou la tête) est une expérience qui n'a pas été complètement intégrée à l'espace de la conscience. Elle n'a pas été digérée. Elle nous reste alors "dans l'estomac" ou "en travers de la gorge". Nous avons le sentiment d'avoir avalé tant de couleuvres ! Elles sont comme des serpents qui font des nœuds, des liens plus forts que notre lien au cœur.
Une tension est donc une expérience incomplète, qui n'a pas été entièrement sentie. Nous pouvons rallumer le feu du ressenti pour laisser les tensions s'y dissoudre. Kshéma Râdja, un maître du Cachemire, fait appel à l'image du feu de la présence qui assimile tout à soi. Mais ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui disparaissent. Seules les tensions disparaissent. Nous vivons alors nus - riches de l'infini que nous portons en nous.
Le cœur peut s'éveiller au centre du corps, au cœur des tensions, d'abord comme une étincelle, une lueur au cœur de la nuit. La complicité morbide entre le ventre et la tête est alors rompue. Un soleil médiateur s'est levé entre eux. Séparés, ils ne peuvent plus s'alimenter mutuellement. Ils ne reçoivent plus que le nectar de l'attention, qui est un autre nom de l'amour. Alors, ils poursuivent et achèvent leur évolution : ils se dénouent et s’intègrent à l'infini. Ne reste que la Lumière vibrante.
Le cercle de la souffrance, samsâra, n'est rien d'autre que le cercle vicieux entre les émotions négatives et les bavardages mentaux. Mais ces deux-là, d'où viennent-ils ?
Ils sont les deux dimensions de notre être sacré : l'amour pour les émotions, la connaissance pour le bavardage. Ils sont le visage déformé de Shakti et Shiva. Déformés par quoi ? Par le manque d'attention. Quand nous ne les reconnaissons pas, ces énergies divines sont la prison de l'enfer. Quand nous les reconnaissons, elles sont la liberté du paradis. Et le cœur est leur relation sacrée.
Les émotions négatives sont de l'énergie du cœur non reconnue. Le bavardage mental est du silence non entendu.
Un exercice simple et puissant est d'embrasser, par le regard de l'attention, ces tensions. Si nous ne fuyons pas, elles se dénouent. Mais il faut du courage, du cœur à l'ouvrage, sans tension. De la patience, infinie, disponible, inépuisable.
Comment savoir si nous sommes sorti du cercle infernal ?
En allant à la rencontre des lieux et des gens qui déclenchent les tensions. Si les tensions n'apparaissent pas ou si elles se dénouent au fur et à mesure qu'elles apparaissent, dans le feu de la Présence, alors nous sommes libres. Le cercle est rompu. Une autre danse commence.