Particulièrement pour la gestion de projets complexes, le storytelling peut avoir une grande utilité.
Je me suis inspiré d'un travail réalisé à l'occasion de la 21ème Academic Design Management Conference, qui s'est tenue à Londres en août 2018. Les auteurs sont Gina Bowman du Gedeth Network (Espagne) et Lynn Crawford, de l'université de Sydney (Australie).
C'est donc un article sur le storytelling, et surtout sur les connexions entre la gestion de projet et le design thinking.
Le problème du management de projet aujourd'hui :
Pour les projets simples, pas de soucis : des modèles de gestion linéaires sont pertinents. Ils peuvent se baser sur un schéma d'enchaînement problèmes - risques - enjeux dont les différentes étapes sont réputées être prévisibles, et peuvent donc être planifiées et contrôlées. Ce mode de fonctionnement date des années 1970. Il a pour principe que les stratégies et outils qui ont fonctionné par le passé pour des projets similaires peuvent s'appliquer.
Très bien. Sauf que la majorité des projets aujourd'hui s'opère dans des contextes d'incertitude extrême, avec très peu d'éléments prévisibles, et une grande complexité. Les méthodes classiques ne peuvent pas être efficaces dans ces cas de plus en plus fréquents. On peut y ajouter l'ambiguïté, aussi.
Quelle notion de storytelling est-elle pertinente pour la gestion de projet ?
Ce n'est pas une histoire bien construite en tant que telle qui sera le plus utile. Elle n'aura pas la capacité de souplesse nécessitée par un projet complexe. Il faut beaucoup plus s'appuyer sur des embryons d'histoires, des histoires émergentes. C'est un pari sur des histoires fragmentaires, incomplètes à l'heure actuelle , mais qui pourraient devenir une ou des histoire(s) complète(s) dans l'avenir. On va donc s'appuyer sur des morceaux d'histoires ouvertes aux évolutions.
Application à la gestion de projets :
Il faut donner un nouveau cadre aux projets et à leur gestion : changer de cadre, vers un système adaptatif, ouvert à l'enrichissement par des données, des éléments émergents. Il s'agit donc d'intégrer l'incertitude plutôt que d'essayer vainement de la contrôler.
On couplera cette approche à l'écoute active et la construction progressive d'histoires émergentes qui challengeront l'histoire dominante de status quo. Parce que, bien sûr, quand on parle de gestion de projets, c'est de projets de changements dont il s'agit. Sinon, on ne parlerait pas de projet mais de rédaction de procédures. J'avais d'ailleurs déjà écrit un article sur les raisons de l'échec de projets de changement.
Donc, des histoires qui challengent l'ordre établi, c'est justement ce dont un vrai projet a besoin pour avancer.
C'est donc bien un recadrage narratif qui est à l'oeuvre, au service de la création de sens. L'appliquer à une gestion de projets utilisant le storytelling de cette manière, c'est faire un pas vers plus d'efficacité.