Cette nuit, tu prendras soin que dans chaque vase
Frisonne, humide encore, une gerbe de fleurs.
Nul flambeau dans la chambre - où tes chères pâleurs
Se noieront comme un rêve en des vapeurs de gaze.
Pour respirer tous nos bonheurs avec emphase,
Sur le piano triste, où trembleront des pleurs,
Tes mains feront chanter d'angéliques douleurs
Et je t'écouterai, silencieux d'extase.
Tels nous nous aimons, sévères et muets.
Seul, un baiser parfois sur tes ongles fluets
Sera la goutte d'eau qui déborde des urnes.
Oh soeur ! et dans le ciel de notre pureté
Le virginal Désir des amours taciturnes
Montera lentement comme un astre argenté,
Ton souvenir est comme un livre bien aimé,
Qu'on lit sans cesse, et qui jamais n'est refermé,
Un livre où l'on vit mieux sa vie, et qui vous hante
D'un rêve nostalgique, où l'âme se tourmente.
Je voudrais, convoitant l'impossible en mes voeux,
Enfermer dans un vers l'odeur de tes cheveux ;
Ciseler avec l'art patient des orfèvres
Une phrase infléchie au contour de tes lèvres ;
Emprisonner ce trouble et ces ondes d'émoi
Qu'en tombant de ton âme, un mot propage en moi ;
Dire quelle mer chante en vagues d'élégie
Au golfe de tes seins où je me réfugie ;
Dire, oh surtout ! tes yeux doux et tièdes parfois
Comme une après-midi d'automne dans les bois ;
De l'heure la plus chère enchâsser la relique,
Et, sur le piano, tel soir mélancolique,
Ressusciter l'écho presque religieux
D'un ancien baiser attardé sur tes yeux.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Samain
Cette nuit, tu prendras soin que dans chaque vase
Frisonne, humide encore, une gerbe de fleurs.
Nul flambeau dans la chambre - où tes chères pâleurs
Se noieront comme un rêve en des vapeurs de gaze.
Pour respirer tous nos bonheurs avec emphase,
Sur le piano triste, où trembleront des pleurs,
Tes mains feront chanter d'angéliques douleurs
Et je t'écouterai, silencieux d'extase.
Tels nous nous aimons, sévères et muets.
Seul, un baiser parfois sur tes ongles fluets
Sera la goutte d'eau qui déborde des urnes.
Oh soeur ! et dans le ciel de notre pureté
Le virginal Désir des amours taciturnes
Montera lentement comme un astre argenté,
Ton souvenir est comme un livre bien aimé,
Qu'on lit sans cesse, et qui jamais n'est refermé,
Un livre où l'on vit mieux sa vie, et qui vous hante
D'un rêve nostalgique, où l'âme se tourmente.
Je voudrais, convoitant l'impossible en mes voeux,
Enfermer dans un vers l'odeur de tes cheveux ;
Ciseler avec l'art patient des orfèvres
Une phrase infléchie au contour de tes lèvres ;
Emprisonner ce trouble et ces ondes d'émoi
Qu'en tombant de ton âme, un mot propage en moi ;
Dire quelle mer chante en vagues d'élégie
Au golfe de tes seins où je me réfugie ;
Dire, oh surtout ! tes yeux doux et tièdes parfois
Comme une après-midi d'automne dans les bois ;
De l'heure la plus chère enchâsser la relique,
Et, sur le piano, tel soir mélancolique,
Ressusciter l'écho presque religieux
D'un ancien baiser attardé sur tes yeux.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Samain