Voici une petite sélection éclectique de livres lus récemment:
Un ouvrage de philosophie morale: "Ethique animale" de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (PUF, 2008) propose une instructive synthèse pour penser la relation de l'homme et de l'animal, et en particulier notre responsabilité vis à vis des animaux. Cette réflexion, très présente dans les pays anglo-saxons, commence à trouver un écho de plus en plus large en France, au fur et à mesure que nous prenons conscience des excès de l'élevage industriel qui traite les animaux comme de banals objets de consommation (lire mon article dans Sitartmag).
A ce sujet, on peut aussi lire un article de Télérama paru en juin dernier: "La barbarie à usage humain".
Un classique de la littérature allemande: "Le fils du marin" de Theodor Storm vient d'être (bien) retraduit en français par Roland Fuentès (Syros, 2008). Ce roman poignant du XIXème siècle raconte les ambitions ratées d'un père pour son fils, réfractaire aux valeurs de l'argent et du pouvoir qui fondent la bourgeoisie (lire mon article dans Sitartmag).
Plus inhabituel pour moi, j'ai aussi lu avec grand plaisir quelques albums jeunesse:
- "Mer en poèmes" de Michèle Daufresne (Seuil jeunesse, à partir de 4 ans): des collages de matériaux divers peints à l'aquarelle illustrent de courts poèmes marins d'Aimé Césaire, Baudelaire, Blaise Cendrars et bien d'autres - dont l'auteur elle-même. Un belle initiation au pouvoir d'évocation des mots et à la poésie. "C'est la mer pour la mer et pour ceux qui en rêvent" (Supervielle)
- "Jean et Jeanne" d'Yves Pinguilly (auteur) et Aurélie Blanz (illustrateur) (Vilo jeunesse, à partir de 6 ans): de superbes illustrations oniriques très colorées pour un conte adapté des frères Grimm malheureusement plutôt banal (une jeune fille est transformée en oiseau par une sorcière, son jeune amoureux devra trouver le stratagème pour la libérer). Les dessins pétillants proposent un univers tendre et fleuri d'un romantisme non dénué d'humour qui fait toute la beauté de cet album.
- je garde le meilleur pour la fin, "Puff le dragon" de Lenny Lipton (auteur) et Eric Puybaret (illustrations) (Gautier-Languereau, à partir de 4 ans): l'adaptation en album d'une chanson des années 60, véritable tube interprété par Peter, Paul and Mary qui raconte la relation complice entre un dragon "qui gambade dans la brume du royaume sous le vent" et un petit garçon. Ce dernier grandit et finit par délaisser son vieil ami, abandonné à sa nostalgie. Une jolie fable sur la fin de l'enfance illustrée avec grand talent par une peinture imaginative et émouvante, riche en petits détails malicieux et charmants (en regardant bien, une multitude de visages apparaissent dans le décor). Un album original au graphisme attachant et au rythme musical, qui dit aussi que les enfants sont éternels (la fille du petit garçon deviendra la nouvelle amie du dragon).
La chanson interprétée par Peter, Paul and Mary est en ligne ici.
Nettement moins angélique, j'ai lu aussi "L'attrape-coeurs" de JD Salinger, ce roman américain culte des années 50 est écrit dans une langue remarquable, autant que je puisse en juger par la traduction d'Annie Saumont. A tel point que je me suis surprise plusieurs fois à faire des remarques à la Holden Caulfield, le jeune homme viré de son college qui erre dans les rues et les bars de New-York, avec cette insolence désorientée propre à l'adolescence.
Petit extrait car je n'y résiste pas:
"Ils avaient chacun leur chambre et tout. Des gens dans les 70 ans ou même plus. Ce qui les empêchait pas de s'exciter encore pour une chose ou pour une autre - à leur façon un peu débile, tout de même. Je sais bien que c'est plutôt salaud de dire ça mais faudrait pas le prendre mal, c'est seulement que je pensais souvent au père Spencer et si on pensait trop à lui on en arrivait forcément à se demander à quoi ça lui servait d'être encore en vie. Vu qu'il était tout bossu, terriblement déglingué; et en classe, chaque fois qu'il écrivait au tableau et qu'il laissait tomber sa craie, un des gars au premier rang devait se lever et la ramasser pour lui. A mon avis, c'est vraiment moche. (...) un dimanche j'étais là avec d'autres gars à boire une tasse de chocolat, il nous a montré cette vieille couverture navajo assez esquintée que tous les deux, avec Mrs Spencer, ils avaient acheté à un Indien de Yellowstone Park. On voyait bien que le père Spencer était sacrément fier de son achat. C'est ce que je veux dire. Prenez quelqu'un de vieux comme le monde, le père Spencer par exemple, et rien que d'acheter une couverture, le voilà tout frétillant. (...) J'étais pas plus tôt entré que je regrettais d'être venu. Il lisait l'Atlantic monthly, et y avait plein de médicaments et ça sentait les gouttes Vicks pour le nez. De quoi vous donner la déprime. Les gens malades j'aime pas tellement. Ce qui arrangeait pas les choses c'est qu'il avait son vieux peignoir minable qu'il devait déjà avoir en naissant. Et je peux pas dire non plus que j'adore quand les types de son âge traînent en pyjama ou en peignoir."
Plutôt vivifiant, ce mélange de naïveté et de cynisme!