Une de Página/12 hier : "une fête avec un seul invité"
Elle : Macri dit que les 70 dernières années, on a fait la fête
Lui : Toi, on t'a invitée ?
Elle : Non
Lui : Moi non plus
Traduction © Denise Anne Clavilier
En vacances en Patagonie depuis plusieurs semaines (il est parti avant Noël), le président Mauricio Macri a accordé vendredi deux interviews à des radios locales, l’une installée à Neuquén, dans le sud du pays, l’autre à Córdoba, dans le centre.
Il y a fait une énième analyse des trois premières années de son mandat. Il a fait preuve d’une autosatisfaction à laquelle nous sommes désormais habitués et qui n’est pas sans rappeler aux Français le décalage du chef de l’Etat avec la réalité du pays qu’exprime Emmanuel Macron, avec lequel Macri partage beaucoup plus qu’une similitude patronymique. Dans ces déclarations, l’Argentin a glissé quelques phrases très polémiques, sans doute destinées à souder la droite de son électorat et qui fait réagir fortement, malgré la trêve des fêtes (1), son opposition : en faisant référence à l’histoire de l’Argentine, il a parlé des 70 dernières années comme d’années de fiesta dont il serait impossible de sortir en trois ans. Ce qui expliquerait la crise terrible qui affecte le pays, en particulier depuis juin et l’intervention du FMI, qui a pris les rênes de la politique économique nationale. On croirait le diagnostic d’un médecin de Molière : "Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette !" (2)
Dessins de Daniel Paz et Rudy, à la une de Página/12 hier
Lui : Comment tu sais que les rois mages, c'est les parents ?
Elle : Parce que papa et maman, ils s'arrangent pour boucler leurs fins de mois
Lui : Et alors ?
Elle : Ben, pour faire ça, faut être magicien
Traduction © Denise Anne Clavilier
En Argentine, mago désigne le mage autant que le magicien
C'est ainsi que Carlos Gardel est surnommé El Mago
Or depuis 1949, le pays a connu plusieurs dictatures militaires, dont la dernière, d’une violence extrême, a fait plusieurs milliers de morts de 1976 à 1983, et de nombreuses crises économiques, toujours déclenchées à la suite d’une phase néolibérale où l’État s’est effacé au profit des intérêts privés, la plus brutale remontant à 18 ans, la crise de l’été 2001, où le pays s’est effondré.
En octobre prochain, ce sera le premier tour des élections présidentielles, législatives nationales et provinciales. 2019 s’annonce comme une année où l’exécutif actuel cherchera à cliver la population et n’hésitera pas à mentir (3).
Dessin de Daniel Paz et Rudy, à la une de Página/12 ce matin
La journaliste : Pourquoi tant de vacances ?
Macri : En fait, je n'avais jamais imaginé que tout ça,
augmenter le prix du gaz, de l'électricité, de l'eau
baisser les salaires, mettre les gens à la porte,
endetter le pays et manipuler la justice
serait aussi fatigant !
Traduction © Denise Anne Clavilier
Dernières confidences d’un chef d’État en vacances : le pauvre chou ne comprend pas pourquoi on le critique pour ses nombreux jours de vacances (tout au long de l’année) et s’est pas encore remis de la défaite de Boca Juniors devant River Plate, à la finale de la Copa Libertadores, jouée pour la première fois en dehors du continent, parce que le gouvernement argentin n’a pas été capable d’assurer l’ordre dans les rues de sa capitale… On le plaint !
Pour aller plus loin : lire l’article de Página/12 (gauche) lire l’article de La Prensa (droite catholique réactionnaire) lire également l'article de Página/12 de ce jour qui dénonce le gouvernement qui se réjouit (festeja) de la stabilisation du dollar (à des altitudes stratosphériques tout de même) qui a pour conséquence la hausse tout aussi stratosphérique des taux d'intérêt et la chute du crédit.
(1) Le 6 janvier est la date traditionnelle et conservée par le magistère catholique, en Espagne et dans tous les pays hispanophones, comme aussi en Italie, où l’Église célèbre l’Epiphanie, jour où l’on donne leurs cadeaux aux enfants. En Amérique du Sud, la tradition est respectée puisque les petits sont en vacances d’été et qu’ils ont tout l’été pour profiter de leurs jouets. En Espagne, l’usage des cadeaux glisse progressivement vers Noël, parce que l’école reprend le 7 janvier, sauf quand le 7 tombe le week-end. (2) Le Médecin malgré lui, acte II, scène 4. (3) Il y a quatre ans, Cristina Kirchner avait agi de la même manière, dressant les gens les uns contre les autres. Ce qui a eu probablement une certaine influence sur la défaite du kirchnerisme face à Macri, qui apparaissait comme un contrepoids valide alors, sauf pour les électeurs de gauche à la conscience politique très structurée.