A partir de 1967, le Régie Renault développe une action de mécénat pionnière. La collection se constitue selon une méthode singulière et innovante. La Régie Renault n’acquiert pas d’objets d’art mais installe une collaboration active entre des artistes précurseurs et Renault, alors locomotive de l’industrie automobile. Renault invite les plasticiens à créer des œuvres spécifiques à partir de pièces automobiles ou autres éléments industriels et met à leur disposition un soutien technique, logistique et humain.
L’aventure débute avec Arman, qui développe alors son art à partir d’objets issus de la vie contemporaine, et accepte avec enthousiasme de venir travailler à l’usine Renault. Au cœur de la technique, il découvre de nouvelles formes et des matériaux inédits. Il va créer une centaine de d’oeuvres à partir d’éléments mécaniques et de pièces de tôlerie, toutes intitulées Accumulations Renault et numérotées. Lui qui a coutume de recycler des détritus de la société de consommation utilise alors des objets neufs.
L’exposition de la Fondation Clément présente quelques une de ces oeuvres
ARMAN
Arman est l’un des piliers du Nouveau réalisme et l’initiateur, en 1959, d’un nouveau geste artistique : l’accumulation.
L’accumulation, c’est l’entassement ou le regroupement d’un grand nombre d’objets de même nature
L’utilisation, à des fins artistiques, d’objets produits en série est un thème récurrent de l’art contemporain avec Duchamp, les surréalistes… et d’autres.
Arman, pour sa part, à la différence de Duchamp, porte atteinte aux objets. Alors que Duchamp, avec la présentation du ready – made sur un socle cherche plutôt à magnifier l’objet, à le transformer en œuvre d’art, Arman, que ce soit dans Les Colères ou Les Combustions, porte atteinte aux objets. En effet, dans l’accumulation, la quantité nie la singularité de l’objet, modifie sa qualité. L’objet en tant que tel disparaît au bénéfice d’une nouvelle entité construite par l’entassement. Comme chez Warhol où la répétition supprime le pouvoir émotionnel de l’image, chez Arman, l’accumulation porte atteinte à la singularité de l’objet.
L’œuvre d’Arman connaît plusieurs périodes :
Série Les cachets
1955-1959 : les cachets
Arman pratique l’estampage répétitif d’un outil inusité, le tampon. On peut percevoir l’influence des collages typographiques de Schwitters ou celle de Werkman.
Arman abandonne donc la peinture, utilise un outil inédit, le tampon, pratique la répétition et le all over. Il y a un changement radical de l’espace pictural.
Série Les allures
1958 : les allures
C’est un élargissement de la procédure des cachets.
Arman estampe d’autres objets et imprime le contour et la masse des objets
Il est fidèle au principe d’accumulation et au all over et les Allures préfigurent les accumulations.
On perçoit un intérêt pour la représentation du mouvement comme dans les tirs de Niki de Saint Phalle, les monochromes d’Yves Klein, les métamatic de Tinguely
Série Les poubelles
1960 : les poubelles
Arman entasse des ordures sèches récupérées dans des poubelles dans des parallélépipèdes en verre avant d’utiliser la résine de polyester à partir de 1970. En 1961, l’artiste accumule trois mois de courrier : C’est L’affaire du courrier- 1961 de la série Poubelles d’artistes. C’est la naissance du principe de l’accumulation. Désormais, il sélectionne des objets en fonction de leur identité sérielle.
Arman
L’affaire du courrier
Arman
Accumulation fondée sur l’identité sérielle des objets
Arman
Accumulation fondée sur l’identité sérielle des objets
1963 Arman inclut désormais ses installations dans la résine de polyester mais ses œuvres conservent la structure et la planéité des tableaux. Ce sont des surfaces planes, saturées de l’objet choisi, multiplié par juxtaposition
Série Les coupes
Série Les colères
Série les combustions
1961 : les colères
C’est une phase de destruction des objets par coupes , combustions , explosions
Là, vous le voyez, c’est l’élaboration intellectuelle à la réalisation des pièces qui leur confère leur valeur artistique.
La collaboration d’Arman avec Renault a abouti à la création de plus de cent œuvres, presque toujours numérotées, créées selon quatre principes
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Des accumulations à l’agencement soigné
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Des accumulations en vrac
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Des sculptures à partir de pièces de carrosserie
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Des accumulations intégrées l’architecture
Dans l’exposition, deux compositions rouges de 1974 qui reprennent le principe des Allures de 1958. L’artiste dépose l’empreinte d’une pièce de moteur sur une toile à intervalles réguliers.
Composition, 1974
Huile sur toile avec empreintes d’objet, 149 x 200cm
Arman
Composition, 1974
Huile sur toile avec empreintes d’objet, 149 x 200cm
Il y a aussi trois grandes accumulations sous plexiglas, les seules oeuvres non numérotées.
Deux d’entre elles sont des accumulations en vrac, fouillis de petits objets alors que la troisième est composée de lignes régulières de ventilateurs . Concernant la composition, voilà ce que dit Arman : J’aide l’arrangement automatique des objets qui ont tendance à s’auto-composer eux – mêmes ou au contraire, je le défais. Je me sers de ce qu’il avait donné au départ et j’allège ou j’alourdis.
Arman
Accumulation d’éléments mécaniques, 1974
Cales dans plexiglas, 200 x 160 x 6 cm
Accumulation d’éléments mécaniques, 1974
Ventilateurs d’automobile sous plexiglas, 200 x 200 x 7 cm
Lors de sa collaboration avec Renault, Arman commence à créer avec des objets neufs, ce qui est un écart important dans son processus créatif et passe aussi à la sculpture véritable, abandonnant la relation frontale à l’œuvre.
Accumulation Renault 162, 1968
Coupe de moteur dans plexiglas, 34 x 40 x 57 cm
Arman est un représentant du Nouveau réalisme
LE NOUVEAU REALISME
Le Nouveau Réalisme a été fondé en octobre 1960 par une déclaration commune dont les signataires sont Yves Klein, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Pierre Restany, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques de la Villeglé ; auxquels s’ajoutent César, Mimmo Rotella, puis Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps en 1961.
Ces artistes affirment s’être réunis sur la base de la prise de conscience de leur « singularité collective ». En effet, dans la diversité de leur langage plastique, ils perçoivent un lieu commun à leur travail, à savoir une méthode d’appropriation directe du réel. Leur travail collectif, des expositions élaborées ensemble, s’étend de 1960 à 1963, mais l’histoire du Nouveau Réalisme se poursuit au moins jusqu’en 1970, année du dixième anniversaire du groupe
L’apport théorique du critique d’art Pierre Restany est déterminant pour la formation du groupe.
Le terme de Nouveau Réalisme a été forgé par Pierre Restany à l’occasion d’une première exposition collective en mai 1960. En reprenant l’appellation de « réalisme », il se réfère au mouvement artistique et littéraire né au 19e siècle qui entendait décrire, sans la magnifier, une réalité banale et quotidienne. Cependant, ce réalisme est nouveau car il ne s’identifie plus à une représentation par la création d’une image adéquate, mais consiste en la présentation de l’objet que l’artiste a choisi.
C’est un groupe hétérogène d’artistes de générations différentes, chacun d’eux développant une démarche artistique spécifique. Ce qui les relie, c’est l’appropriation du réel
Arman
Larmes de fonte
Commande publique
Morne Rouge
Martinique
Une accumulation d’Arman, commande publique du Ministère de la culture et de la commune du Morne Rouge a été installée dans les années quatre vingt dix
Arman explique sa démarche dans cette vidéo de l’INA
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