Roman - 170 pages
Editons L'Arbalète Gallimard - Juillet 2018
A Lyon, une jeune mère vit en vase clos avec son fils de deux ans, en l'absence du père. Enfermée dans cet appartement à toujours rester "à côté, à côté" de son enfant qui la réclame sans relâche, étriquée dans ce parc de la Tête d'Or à regarder des animaux fades et enfermés, prisonnière de sa condition financière qui l'empêche de se payer les services d'une baby-sitter, recluse dans son appartement quand ses voisines lui ferment la porte au nez, repoussée dans sa solitude quand ses lectures de forums internet l'amènent à des commentaires culpabilisateurs et moralistes, délaissée par ses employeurs potentiels qui remarquent son manque de disponibilité. Alors, elle s'offre des respirations secrètes. Son portable réglé sur une alarme, elle sort discrètement dans la rue une fois le petit endormi, discrètement elle rejoint les quais de Saône, pour vingt, trente minutes, une heure ou deux…
J'ai dévoré ce roman en moins de deux jours. La plume de Carole Fives est très juste pour dépeindre cet enfermement des temps modernes, de ce mode contemporain de liberté qui laisse au bord de la route les mères célibataires, les mères en congé parental esclaves entre leur môme et l'image de la maman socialement parfaite. Un livre très fort sur l'enfer domestique qu'on peut découvrir en lieu et place du paradis d'amour maternel promis. Extrait :"Un corps sans enfant qui s'y cramponne. Un corps sans poussette qui le prolonge. Ça lui avait paru étrange lors de ses premières sorties. Elle s'était sentie nue, vulnérable. Comme si on l'avait amputée de quelque chose, d'une extension quasi naturelle d'elle-même. Mais ce soir elle se sent légère, légère. Avancer. A son propre rythme, pas celui, lent, toujours décalé, de l'enfant. Réintégrer son corps. Sa vie. Courir le long des quais." Ce livre parle de violence, d'une violence sociale venue du corps médical, des partenaires sociaux, du banquier, des voisins, mais aussi des femmes, des femmes connues (concierge) ou inconnues (profils de forums), de cet isolement sournois qui menace beaucoup de mères, de cette envie irrépressible et nécessaire d'infime échappatoire, qui ne sera même pas pardonnée. Mais telle la chèvre de Monsieur Seguin, elle pourra, quoiqu'il arrive, tirer sur la corde un peu plus chaque fois, et se battre, pour tenir jusqu'à l'aube.Un coup de cœur de cette rentrée littéraire, glaçant de réalisme et confondant d'attachement.
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